Il va falloir faire un sacré effort de mémoire. Owun s’est reformé. Bon, pour mettre les choses au clair rapidement et définitivement, le comité Archives Nationales de la Noise 90’s de 666rpm n’a conservé aucune trace ni aucun souvenir de ce groupe grenoblois. Tout juste a-t-on retrouvé par hasard un billet de concert du Pezner datant du vendredi 19 février 1999 et sur lequel le nom d’Owun apparait coincé entre ceux de Ned et de Laddio Bolocko. Mais, là encore, aucun souvenir du set d’Owun et c’est à se demander si le groupe avait bien joué ce soir là*. Pour remettre les pendules à l’heure et (re)découvrir Owun on peut se rendre sur la page bandcamp du groupe : les deux premiers albums – Sillon (1998) et Ostensible ? (2001)** – ont été intégralement mis en ligne. La réécoute de Sillon après toutes ces années d’oubli dévoile un groupe honnêtement doué mais qui ne brillait pas par son originalité, surtout l’album débarquait alors que les principaux groupes de noise qui ont fait les beaux jours de la scène locale (Deity Guns/Bästard, Hems, Sister Iodine, Portobello Bones, Heliogabale) avaient déjà tout éclaté quelques années auparavant voire étaient déjà sur le déclin ou même carrément séparés.
L’avantage de cette situation historiquement floue c’est qu’on peut très bien ne pas prêter attention au caractère presque incongru de la reformation d’Owun. Et faire comme si le groupe venait de naître et non pas de ressusciter d’entre les morts. L’impact du nouveau disque d’Owun, Le Fantôme De Gustav, n’en sera que plus important. Car voilà un disque qui change sérieusement la donne. Depuis 2007, Owun – le line-up du groupe comprend désormais un quatrième membre en la personne d’un second guitariste – a peaufiné dans son coin un ensemble de compositions ambitieuses et de grande qualité. Owun a également élargi ses horizons (qui n’étaient déjà pas si étroits que cela au départ) pour déployer une palette stylistique qui de nos jours, période bénie (ahem) de rétro futurisme/proto modernisme/nostalgie archiviste, n’a rien d’incongrue, bien au contraire : noise rock, post rock, kraut rock, post punk, garage rock ou electro rock se mélangent, se complètent et forment un tout, un bel album donc, construit de manière très narrative en ce sens qu’en passant d’un titre à l’autre, on passe également d’une ambiance à une autre, d’un tableau à un autre et qu’Owun ait pensé Le Fantôme De Gustav comme la bande son d’un film ou d’un spectacle n’aurait absolument rien d’étonnant.
Or il y a un vrai culot dans Le Fantôme De Gustav. D’abord parce qu’Owun ne s’embarrasse pas de facilités et d’artifices de construction (transitions, titres intermédiaires, etc) et se concentre réellement sur chaque composition et chaque instrumentation en tant que telles. L’effet patchwork est bénéfique au disque et à la fois il tend à disparaitre face à la maîtrise des différents idiomes employés. Il est assez rare de se faire un peu malmener tout en se faisant hypnotiser. Et que les titres chantés soient désormais plus présents et plus nombreux – et surtout que les voix soient bien mieux maîtrisées qu’auparavant – ne fait que donner un supplément d’incarnation à une musique qui n’en manquait déjà pas.
Pour l’instant, malgré des liens apparemment forts avec l’Amicale Underground, il semble bien que Le Fantôme De Gustav soit une autoproduction et que le seul moyen de se procurer le disque est de contacter directement Owun. Une autre précision d’importance : enregistré entre février et décembre 2010, Le Fantôme De Gustav est sous-titré d’un « Volume Premier » qui laisse donc augurer d’une suite. Une suite que l’on attend déjà avec impatience.
* mais de toute façon qui aurait pu soutenir la comparaison avec le concert absolument démentiel que Laddio Bolocko avait délivré ce soir là ?
** cet Ostensible ? étant pour ma part plutôt une bonne découverte