samedi 10 mars 2012

Seijiro Murayama - Stéphane Rives / Axiom For The Duration




Deuxième disque de Seijiro Murayama publié en 2011 par Potlatch, Axiom For The Duration est à nouveau un duo mais cette fois-ci en compagnie du saxophoniste Stéphane Rives (il joue uniquement du soprano). De nature très différente du Window Dressing enregistré avec Jean-Luc Guionnet, Axiom For The Duration est un disque à la fois plus éprouvant mais plus accessible. Par « accessible » on veut dire que Axiom For The Duration revêt, même très lointainement, quelques aspects à la mode ces temps-ci chez les amateurs à la pointe des musiques expérimentales, à savoir la répétition, la durée rallongée des motifs, l’utilisation de nappes, etc. Puisqu’on met trop facilement le terme de drone à toutes les sauces, on peut effectivement voir aussi dans les notes tenues en souffle continu par Stéphane Rives et les grincements circulaires des percussions de Seijiro Murayama quelque chose qui pourrait s’apparenter à du drone car on perçoit plus d’une fois ici quelques échos de la musique de La Monte Young et de Tony Conrad (notamment sur la deuxième partie du disque).
Mais cela ne rend pas Axiom For The Duration moins intéressant et moins passionnant. Car si on entend du drone, celui-ci est avant tout un moyen et jamais une fin en soi. C’est pour cela que ce disque ne s’éternise jamais, s’il use de répétitions et de superpositions de nappes sonores c’est uniquement pour souligner un travail bien plus profond, difficile et passionnant, un travail sur les grincements. C’est ainsi que l’on appellera toute cette palette sonore réunissant autant stridences que crissements, vibrations que sifflements. Les sons sont tenus (et non pas ténus) et parfois douloureux – d’où le terme de disque « éprouvant » employé un peu plus haut. Tout en gardant un côté très gestuel/physique puisque toujours interprétée par deux hommes avec uniquement leurs instruments, la musique du duo fonctionne par cercle, par ondes magnétiques qui se propagent et s’étalent comme une force électrique.
Le résultat est indéniablement très beau. Il fait la jonction entre une certaine pratique improvisée de la musique et un côté beaucoup plus contemporain et plus conceptuel. L’équilibre cinétique qui en découle, le continuum des fréquences resserrées entre elles comme dans un prisme afin de les rendre plus aiguisées, tranchantes et nettes, est retenu en suspens entre le geste/l’instant/la pratique et cette manne électrique issu du geste lui-même. Axiom For The Duration n’est donc pas un disque théorique comme son titre pourrait le suggérer, mais une expérience réussie.