mardi 6 mars 2012

Report : Cult Of Occult - la malédiction de Karcavul


Cette histoire a commencé on ne peut plus simplement avec une voix surgissant de nulle part derrière moi et qui me demandait : hey tu fais quoi demain ? Voilà, j’étais devant le bar des Capucins, tranquillement en train de fumer une cigarette, de boire une bière et de raconter quelques conneries entre le concert bien torride de Tentaculos et celui non moins foutraque de La Pince et je ne pensais certainement pas à ce que j’allais faire dès le lendemain… Demain ? Demain je dors ou alors je profite d’une soirée en famille, je regarde Runaway Train en mangeant une pizza pleine de gras, j’écoute de la musique, je lis un bouquin, enfin je ne sais pas encore vraiment. Une main s’est jointe à la voix pour me tendre un flyer – ne déconne pas j’en ai tiré que 16, je n’ai pas eu le temps d’en faire plus, tu as de la chance, demain on joue avec Cult Of Occult, c’est dans un nouvel endroit. Alors tu viendras ?
J’avais un peu oublié ce concert de Cult Of Occult ou plutôt j’avais lâchement décidé de faire sans lui malgré tout le bien que je pense du groupe. La voix et la main ont insisté. Je redemande comment s’appelle l’autre groupe – le nom c’est Karcavul (oh putain…) – et je promets que le lendemain je serai à l’Hellektricity pour un concert qui, je ne le sais pas encore, va se révéler totalement improbable. Mais il faut assumer quand on prend les mauvaises décisions. Pourtant j’ai toujours cru que c’était une bonne nouvelle lorsqu’un nouveau lieu de concerts ouvre ses portes.



L’Hellektricity a donc ouvert la veille et se trouve complètement perdu quelque part dans Villeurbanne, dans le triangle maléfique constitué par le campus universitaire, le quartier du Tonkin et les voix ferrées qui remontent sur Paris. Un endroit où il n’y a rien si ce n’est des vieilles usines désaffectées, des bâtiments murés qui font de l’œil aux promoteurs immobiliers et un commissariat central à cinq minutes à peine.
L’immeuble dans lequel se trouve l’Hellektricity semble lui encore occupé par des entreprises et autres activités économiques. La salle de concerts proprement dite se trouve tout en haut, au dernier étage et sous une verrière. Les amateurs de vieilles pierres, de structures métalliques et de friches industrielles peuvent apprécier cet endroit qui ressemble à un squat qui se donne des airs.
La personne qui a monté le projet tenait auparavant un magasin de disques du côté du quartier Perrache, une tête croisée régulièrement bien que très rarement depuis de très nombreuses années, un vrai goth dark de chez dark, complètement dans son monde à lui. Lorsqu’on lui pose la question il assure que tout va bien se passer, que ça fait un an qu’il bosse sur le projet, qu’il a amélioré l’insonorisation du lieu mais je regarde en direction du plafond et sans trop y croire la verrière à peine protégée par des grands bouts de tissus renforcés par du carton.




C’est justement le groupe du patron qui commence la soirée. Je me rappelle qu’il y a des années il m’avait donné une cassette de son projet pour que je la diffuse lors d’une émission de radio. Je ne l’avais pas fait tout comme je n’assiste pas vraiment au concert de ce soir, le trip mystico-ambient-ésotérique m’ayant toujours insupporté. Par contre j’en profite pour écumer les bacs de disques installés dans la pièce à côté, des bacs qui souvent renferment des LPs que je n’ai pas croisés depuis plus de vingt ans et ce voyage à rebours dans le temps se révèle plutôt agréable. Il y a aussi quelques fringues assez improbables en vente dans un coin.
Pour des raisons que je ne comprendrai jamais c’est Cult Of Occult qui joue ensuite. Les quatre s’installent dans la pénombre, capuches sur la tête et entourés par deux masses d’amplis. Je remarque pour la première fois la déco placée devant la scène – en fait de scène il s’agit d’une large plateforme un rien bancale conçue avec des palettes de chantier et recouverte de tapis –, une déco qui tente de donner un arrière-goût morbide : des vieilles radiographies éclairées par derrière par des lumières de couleurs, comme au bon vieux temps.
Cult Of Occult joue vraiment très fort avec ce mélange assez curieux d’aplomb et de dédain supérieur qui passe très bien parce que la musique du groupe est violente et que le volume sonore vous scotche sur place. Le chanteur en fait quelques tonnes, le bassiste également et seul le guitariste reste en retrait, dans la pénombre et concentré sur son jeu.




Cult Of Occult joue son troisième titre et là je commence à vraiment bien rentrer dans le concert, à apprécier les vibrations qui m’assaillent de toutes parts. Sauf que le son et la lumière sautent brutalement. Un voisin a sûrement du téléphoner au commissariat d’à côté car il y a deux voitures de flics en bas. Je regarde une nouvelle fois cette verrière qui doit terriblement vibrer et amplifier plus qu’autre chose le son à l’extérieur.
Le concert de Cult Of Occult se termine ainsi prématurément, je ressens une grande frustration mais me console en achetant au groupe un exemplaire de son premier disque – par rapport à la démo/EP mis en ligne il y a un titre en plus, cela mériterait presque une nouvelle chronique. Pour l’instant la version CD de ce disque est disponible bien sûr auprès du groupe mais aussi chez Dethroned Productions via Throne records. Une version vinyle est prévue pour le mois de juin.

Les Cult Of Occult démontent leur matériel. Renseignements pris le maître des lieux estime que le concert peut malgré tout continuer : les deux autres groupes initialement prévus vont en théorie jouer beaucoup moins fort. Comme je tiens à voir et entendre Karcavul (non mais franchement les gars, ce nom, c’est une private joke ou alors un personnage de jeu de rôle, non ?) parce que c’est toujours intéressant de découvrir le groupe de personnes sympathiques dont on a fait la connaissance lors de quelques concerts et en tant que public, je reste sur place mais je dois me taper auparavant le troisième groupe, une sorte de rock calibré FM et d’une propreté indécente. C’est au moment où le guitariste/chanteur est en plein trip au beau milieu d’un solo de guitare abominable que les flics reviennent pour la deuxième fois – le son et les lumières sont à nouveau coupés. Le même voisin a du retéléphoner au commissariat. Ou un autre, qu’importe après tout.
Même si je regrette la stupidité des gens qui n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux, cette fin de soirée en sucette était malgré tout à prévoir : l’Hellektricity n’est pas un lieu propice à l’organisation de concerts ni pour faire du bruit. Et je ne suis pas certain que l’endroit puisse exister encore très longtemps. Logiquement toute la suite a été annulée et ce n’est donc pas encore cette fois que j’ai pu voir et entendre un concert de Karcavul. Un peu comme une malédiction.