samedi 31 mars 2012

Extra Life / Dream Seeds





Troisième album pour Extra Life, le groupe de l’esthète new-yorkais Charlie Looker, et le premier avec un line-up à trois. Il n’aura échappé à personne que le bassiste est parti il y a un an et demi, ce qui a entrainé quelques conséquences notables dont le premier résultat a été le EP Ripped Heart, principalement axé sur l’usage de claviers et une synth wave très 80’s. Extra Life gardait son côté médiéval mais semblait également s’adoucir. Avec Dream Seeds on s’attend un peu, mais à tort, à la même chose : il est précisé que Charlie Looker se concentre désormais sur le chant et les claviers, jouant juste un peu de guitare acoustique. Le violoniste Caley Monahon-Ward monte par contre en puissance, assurant toutes les parties de guitare électrique, le violon, des manipulations électroniques, un peu de synthétiseur également et des backing vocals. Son rôle est réellement devenu prépondérant au sein d’Extra Life et le groupe se présente définitivement comme une entité parfaite, un triangle à trois côtés égaux – car il ne faut pas oublier cet extraordinaire batteur qu’est Nick Podgurski –, une entité dont Charlie Looker est la base et la tête pensante, en tant que compositeur éclairé.
Dream Seeds démarre doucement avec No Dreams Tonight, superbe balade moyenâgeuse à souhait, solo de flûtiau à l’appui, tout à fait dans l’esprit de Ripped Heart. De fait Dream Seeds peut avoir l’air plus rêveur, encore moins axé sur les rythmiques que le génial Made Flesh (2010) et surtout que Secular Works (2009). Little One est un autre moment fort en douceur du disque avec de superbes nappes de violon et un piano dont la tendresse échappe à la mièvrerie comme à la prétention pompeuse, un pur moment de grâce et de lévitation. Même un titre tel que First Song et sa complexe partie de batterie ne se départit par d’une douceur enveloppante qui arrache des frissons – Extra Life est un groupe à part, un groupe ailleurs.
Mais Extra Life a également gardé de sa fougue. Disons que celle-ci est désormais canalisée différemment. Discipline For Edwin et surtout Righteous Seed renouent à la fois avec le Extra Life superbement lyrique et tendu et le Extra Life quasi religieux et puissamment envoûtant. Il y a toujours ces splendides tapis de guitares et ces rythmiques indéchiffrables mais directes, le tout étant toujours dominé par le chant hors saison de Charlie Looker avec (donc) toujours plus de synthétiseurs en appui ou en contrepoint. L’album se termine par deux morceaux de bravoure, Blinded Beast puis Ten Year Teardrop qui avoisinent tous les deux le quart d’heure et qui représentent le côté le plus sombre mais aussi le plus lyrique et le plus beau d’Extra Life. Toute l’étendue musicale du trio y est génialement représentée, allant jusqu’au bruit et la déraison : il faut entendre Charlie Looker s’époumoner « I Love You/I Love You/How I Miss You/I Buried You/We Buried You/We Buried You/I Love You » sur Ten Year Teardrop. La splendeur alchimique du groupe est alors sculptée jusqu’à son stade le plus pur, un stade proche de la magie.
On aura également remarqué la double thématique de Dream Seeds, reposant aussi bien sur le rêve que sur l’enfance. Des textes encore une fois très introspectifs et très personnels de la part de Charlie Looker. Dans le livret, une citation de Paracelse, esprit rebelle et visionnaire suisse de la Renaissance, alchimiste, astrologue et médecin, résume à elle seule la teneur illuminée et contagieuse de Dream Seeds : « Blessed is he that is born during sleep ». Dream Seeds est déjà l’album le plus ensorcelant et le plus prodigieux de cette année 2012.

Dream Seeds paraitra – pour l’instant en CD uniquement – sur Africantape le 7 mai prochain. On peut d’ores et déjà l'écouter sur la page bandcamp de Northern Spy records, le label qui s’occupe lui de la parution US. Cette chronique, vous pouvez également la lire dans le numéro 9 de Noise mag qui vient tout juste de paraitre. Enjoy.


Et comme une nouvelle n’arrive jamais seule, on peut également vous signaler qu’Extra Life sera en Europe et en France au printemps prochain – à Lyon ce sera le 3 juin, au Sonic évidemment.