Je ressens à peu près toujours la même chose à chaque fois que je débarque au Sonic : la péniche est toujours ouverte, il y a toujours des bons concerts de programmés, les patrons sont toujours aussi souriants, le homeboy s’active toujours derrière sa console de son*… et alors je peux respirer un grand coup.
Le Sonic fêtera bientôt son sixième anniversaire – la vrai date c’est le 1er avril, sans déconner – mais le cœur n’y est plus tout à fait. Suite à des démêlés administratifs la salle n’a plus d’autorisation de fermeture tardive aussi la soirée d’anniversaire est-elle purement et simplement annulée – tout comme les autres soirées, celles que le Sonic organisait ou accueillait le week-end et qui permettaient à la salle de financer son activité et, entre autres, d’organiser des concerts à risques les autres soirs.
Je me demande toujours comment les personnes qui s’occupent du lieu ont fait pour tenir pendant ces six années. Je me demande également si elles auront la force, le courage et les moyens financiers d’en tenir une de plus. Rien n’est moins sûr. Aussi, lorsque l’affluence à un concert de qualité se révèle comme ce soir (relativement) décevante, le moral des troupes s’en ressent automatiquement. Quand on vous dit qu’à Lyon ça se vraiment passe mal question musiques alternatives et que cela ne semble qu’empirer.
Le service information et propagande de 666rpm vous tiendra bien sûr au courant des développements éventuels concernant les problèmes administratifs et politiques du Sonic – pour l’instant l’équipe gérante du lieu tente de résoudre les dits problèmes par la voie diplomatique, ce qui de manière pas très surprenante ne semble pas aboutir donc il n’est absolument pas exclu que le Sonic lâche bientôt les chiens comme ont déjà pu le faire le Clacson à Oullins et surtout Grrrnd Zero à Lyon/Gerland.
Le label qualité de la soirée** est donc assuré par Volcano The Bear dont c’est déjà le quatrième passage à Lyon depuis décembre 2007. Disons tout de suite que cela n’a pas été le meilleur concert du duo anglais (auparavant trio mais également quartet, comme quoi plus on est de fous et plus on rit ce n’est pas toujours vrai) auquel j’ai pu assister. Mais un concert en deçà de Volcano The Bear sera toujours mieux que n’importe quelle prestation hautaine et hasardeuse de n’importe quel groupe arty – je ne citerai pas de noms mais des groupes arty merdiques je souhaite qu’on n’en manque jamais, sinon la vie sera forcément moins drôle.
Daniel Padden et Aaron Moore restent malgré tout en grande forme et demeurent toujours aussi experts en théâtralité absurde et en attitude ironique so british. Le mélange de musique improvisée, folk, musique acousmatique et rock bruitiste de Volcano The Bear fonctionne étrangement mais il fonctionne*** – la seule différence étant que pour ce concert au Sonic il y a eu quelques petites baisses de régime et quelques moments de flottement mal gérés notamment lors des transitions entre les titres****.
Quelques bas peut-être mais surtout suffisamment de hauts pour être à nouveau émerveillé et conquis par ce groupe sans égal ni équivalent. Pourtant les meilleurs passages ont été ceux pendant lesquels Volcano The Bear a été le moins outrancier, le moins barré et lorsque le groupe s’est laissé porté par une douce extravagance un rien mélancolique et surtout poétique – le final avec Aaron Moore assis en compagnie de sa trompette sur la grosse caisse de sa batterie suscitant immédiatement l’enthousiasme du public survivant, lequel a réclamé et obtenu un titre en rappel.
En première partie il y avait Les Marquises. Je n’ai absolument rien de constructif à dire à propos de ces jeunes gens et de leur concert appliqué si ce n’est qu’il m’a permis de vérifier une fois de plus qu’avec les ans qui passent je me transforme doucement mais sûrement en gros pépère. Il y a deux manifestations principales chez toute personne souffrant du syndrome de pépèrisation : premièrement on assiste à un concert (en général un concert de miel-pop ou de pousse-laptop) et on passe son temps à se dire qu’on préférerait écouter cette musique chez soi, bien calé dans un fauteuil confortable et enveloppant ; deuxièmement on assiste à un autre concert (principalement un concert de punk, de hardcore, de noise ou de metal) mais au contraire on ne supporte que difficilement toute cette agitation de jeunes écervelés alors là aussi on préférerait être ailleurs, loin de tout ce bruit et de toute cette anarchie autodestructrice.
Avec Les Marquises on rentre complètement dans le premier cas de figure. J’imagine très bien pouvoir écouter le groupe à la maison en sirotant une verveine-menthe. Véritable incongruité au sein du groupe : un trompettiste déconneur à la carrure comme au charisme écrasant celles et ceux de ses petits camarades de jeu. Une deuxième anomalie : Corne De Brume, un long titre instrumental joué en milieu de set et presque furieusement kraut rock. J’aurais bien aimé que Les Marquises aillent davantage dans cette direction et non pas celle d’une pop vaguement expérimentale et trop geignarde à mon goût.
* il y a au moins une private joke dans cette phrase, sauras-tu la retrouver ?
** label qualité que l’on pouvait percevoir rien qu’en regardant l’affiche
*** Volcano The Bear vient de publier Golden Rhythm/Ink Music, un nouvel album studio (le premier en sept ans parait-il) sur le célèbre label norvégien Rune Grammofon : on en reparle très bientôt
**** curiosité vraiment très drôle en plein milieu du concert de Volcano The Bear : une reprise de Prince