lundi 5 mars 2012

Report : Gameboy Physical Destruction + Tentaculos + La Pince aux Capucins - 02/03/2012




Lyon, ville bénie des dieux de la musique. Jugez plutôt : Grrrnd Zero a toujours du mal à entrevoir ne serait-ce que le début d’un commencement de solution concernant son éventuel relogement et la pérennisation de ses activités – le plus beau dans tout ça est que le festival des Nuits Socialistes Sonores va investir pour son édition 2012 (et 2013 ?) les hangars juste à côté de Grrrnd Zero et ce à grands frais, avec un niveau de financement qui aurait sûrement permis au collectif de vivre décemment pendant toute la prochaine décennie ; de son côté le Sonic a des problèmes avec les commissions de sécurité et la classification de la péniche que l’abrite : du coup l’autorisation de fermeture tardive du lieu est tombée à l’eau, les soirées lucratives du week-end également et ainsi le modèle économique du Sonic (financer des concerts pointus avec l’argent des soirées) est lui aussi remis en cause.
Il est donc à craindre que d’ici la fin de l’année 2012 il n’y ait plus à Lyon intramuros de salles capables d’accueillir dans de bonnes conditions des concerts de musiques undergrounds et parallèles – dans de bonnes conditions cela veut dire des salles avec une jauge respectable, un système de sonorisation qui ne ressemble pas à une poubelle et surtout avec un prix des places n’excédant pas la capacité de financement du crevard moyen.

Il reste donc la solution des bars et de leurs caves. Quand ceux-ci ne ferment pas à leur tour, suite à des bagarres et des problèmes de voisinage : il y a une semaine de cela le festival de La Jeunesse de la Honte organisé au Tostaki en soutien à S’Etant Chaussée a été partiellement annulé parce qu’une poignée de crétins se sont pris pour des tough guys et ont transformé la soirée en baston générale avec à la clef descente de police et fermeture du bar, privant le public lyonnais de l’une des caves les plus agréables et spacieuses pour y organiser des petits concerts D.I.Y.




Ce vendredi c’est dans une autre cave, celle du bar des Capucins, une cave certes un peu trop petite mais toujours hospitalière, qu’Active Disorder a organisé une fois de plus un concert alléchant. A l’affiche Gameboy Physical Destruction, Tentaculos et La Pince, c'est-à-dire que des groupes qui auraient largement mérité de jouer dans de meilleures conditions et devant un public un peu plus nombreux. Précisément le genre de concerts qui pendant quelques années ont fait les beaux jours de Grrrnd Zero et où le public se rendait, attiré par la curiosité et la « franchise » Grrrnd Zero.
De Gameboy Physical Destruction je ne saurais dire grand-chose, étant guère friand du punk metal bontempi du duo lyonnais. Il y a parfois quelque chose de Binaire et d’Unlogistic chez ces garçons mais avec un côté alterno (dans le mauvais sens du terme) encore plus poussé. Je vois pour la première fois le groupe jouer sans ses masques de catcheurs et le guitariste/chanteur est plutôt mignon mais je préfère remonter à l’air libre non sans avoir quelques difficultés pour traverser une horde de gamins de quinze ans bloqués devant le groupe et qui par contre s’en donnent à cœur joie. Roulez jeunesse.




Mais je redescends dès que Tentaculos commence à s’installer. Je repère vite fait le guitariste (anciennement dans Monosourcil et amateur de kebab, si mes souvenirs sont exacts) parce que j’ai un message personnel à lui transmettre – cela me met dans une position assez inconfortable, inédite mais amusante : parler directement à un membre d’un groupe, moi qui suis pourtant d’une timidité maladive.
Tentaculos c’est donc quatre garçons : un chanteur torse nu, un guitariste barbu, un bassiste vraiment très grand et un batteur avec des rouflaquettes, une preuve essentielle et incontournable de bon goût s’il en est. Le groupe est résolument et immédiatement fou-furieux – avec un chanteur doté d’une voix rocailleuse et qui ne se retient surtout pas – alors je tombe immédiatement amoureux de ce groupe et de son noise punk à l’arrachée. La chaleur monte inexorablement dans la cave des Capucins, la bande des gamins de quinze ans est toujours là, je fais un peu mon vieux con en ricanant parce que l’un d’entre eux arbore un t-shirt Motörhead mais je me ravise parce qu’au même âge je faisais aussi pareil.
De temps à autre Tentaculos s’arrête de jouer, balance un sample ayant quelque chose à voir avec un capitaine de navire/explorateur français et réactionnaire, défenseur de la mer et des océans (allez, je vous aide un peu : il portait un bonnet de marin rouge) ou alors le groupe – batteur compris – se met carrément à danser parodiquement et ridiculement sur une musique qui n’a rien à voir. Il y a de la grosse déconne dans l’air mais aussi une bonne dose de hargne qui font du bien. Après le concert je récupérerai Vampirotheutis, le premier LP du groupe – un disque dont les Tentaculos viennent juste de recevoir leurs propres exemplaires alors qu’ils sont en toute fin de tournée, histoire banale des délais à rallonge avec les usines de pressage. Cela leur prend un certain temps pour en assembler quelques exemplaires parce que le disque est encore en pièces détachées (pochette d’un côté, insert et disque d’un autre) et lorsque je remarque des LP de Dolom qui trainent dans un sac j’apprends par là même que dans Tentaculos il y a trois anciens membres de ce groupe désormais défunt… ce qui m’étonne et me ravit à la fois, le post rock bizarroïde de Dolom n’ayant pas grand-chose à voir avec le punk tordu de Tentaculos. Merci pour ce concert.




C’était surtout pour La Pince que j’étais venu ce soir, la démo sans titre du groupe ayant fini par bien m’accrocher l’oreille. La Pince a le même line-up que Tentaculos (chant, guitare, basse et batterie) mais les premiers revisitent plutôt les territoires skingraftien et acides de la noise contemporaine. Si sur disque on avait pensé plus d’une fois à l’école Arab On Radar/Chinese Stars (surtout les seconds), cela devient carrément évident en concert sans pour autant se révéler gênant : un concert de rock’n’roll en général et de noise en particulier c’est fait pour tout exploser, les aiguilles bloquées dans le rouge et à ce niveau là La Pince n’a de leçon à recevoir de personne.
Les quatre membres du groupe portent la même chemise rouge et distillent donc une noise groovy et vicieuse qui donne envie de frétiller comme une anguille hameçonnée dans un caleçon devenu trop étroit. Le chanteur joue la confrontation guillerette en se plaçant avec son pied de micro très en avant, souvent carrément au milieu du public et de la bande des gamins qui sont toujours là – visiblement ils étaient déjà venus lors du premier passage de La Pince en septembre dernier et ils sont très fans du groupe.
L’ambiance est encore plus torride, le sol de la cave dégouline de transpiration et de bière et malgré quelques problèmes techniques – résultat des courses à la fin du concert : deux têtes d’ampli de grillées, argh ! – La Pince a tenu tout le monde en haleine dans un grand élan de foutraquerie et de bordel généralisé. Donc rien de tel qu’une bonne Pince pour vous arracher un sourire idiot de contentement post-concert.

[et voilà quand même l'un des flyers les plus chouettes que j'ai vus depuis bien longtemps – clic donc dessus pour l'admirer un petit peu]