Je ne sais pas pourquoi tout le monde semble aimer l’illustration de la pochette de ce deuxième album de Buildings : c’est bien simple, dès qu’il y a une fille à poil qui met des boules à sa bouche, ça s’affole dans les chaumières, ça priapise dans le landerneau rock’n’roll, ça salace et ça tend du slip comme en 1969. Allons, allons… un peu de calme. La seule chose de bien avec cette photo c’est qu’elle est en noir et blanc. Point barre.
Ce disque de Buildings s’intitule donc Melt Cry Sleep et a été publié par Cash Cow Productions, le label continue ainsi sur une bien belle lancée après le Songs To Drive Wifes Away d’Accordion Crimes alors on lui interdira d’autant plus de se prendre à nouveau quinze années de vacances. On a ici affaire à un beau vinyle transparent avec une tache d’un jaune visqueux en son milieu, un peu comme une marre de pisse rance égarée au fond de la cuvette de toilettes et que l’on redécouvre le lendemain en se disant que l’on aurait mieux fait de tirer la chasse.
Point important et intéressant – beaucoup plus que la couleur du vinyle ou que la photo de la pochette –, Melt Cry Sleep pose les mêmes questionnements que le Songs To Drive Wifes Away des collègues d’Accordion Crimes : le verso de la pochette indique également le sacro-saint mastered by Bob Weston at Chicago Mastering (Cash Cow a du négocier un tarif préférentiel) et logiquement on se demande de quel côté de la force obscure du noise rock se situent les trois garçons de Buildings. La réponse est toute simple : Jesus Lizard. Mais un Jesus Lizard remis un peu au goût du jour, au son un brin réactualisé, moins rock’n’roll. On tombe immédiatement sur Young Widows – la comparaison est on ne peut plus flagrante en ce qui concerne le chant – mais le Young Widows des deux premiers albums, pile-poil entre la rudesse du premier et le début de sophistication du second pourrait-on même affirmer, et certainement pas du côté du troisième album du groupe d’Evan Patterson, un disque aussi vide que prétentieux et surproduit.
Melt Cry Sleep de Buildings est donc carrément l’album de noise rock de ce début d’année. On y retrouve tout ce que l’on en attend d’ordinaire c'est-à-dire de la hargne effilée et tranchante, des compositions efficaces et accrocheuses (Melt Cry Sleep est littéralement une suite ininterrompue de tubes), une rythmique sèche et droite, une guitare qui vrille… rien de nouveau donc.
Mais encore une fois, Melt Cry Sleep nous permet de nous poser cette question toute simple : pourquoi aimer Buildings ? La réponse est toujours la même et elle le sera encore pour très longtemps, plus que jamais : l’écoute de ce disque est une expérience que, en cet instant très précis, rien ne peut remplacer et elle convainc de deux choses essentielles et salutaires qui sont d’un côté l’authenticité, la franchise et la spontanéité de cette musique et de l’autre sa classe ultime. Classe ultime car Melt Cry Sleep est tout simplement un grand disque de noise rock. On peut d’ores et déjà ouvrir les paris et affirmer que dans quelques mois l’écoute de cet album fera toujours le même effet.
[et aux dernières nouvelles Buildings devrait traverser l’Atlantique à la fin de l’année pour visiter la vieille Europe et la France]