Alors, tout le monde il est content ? Avec un titre d’album comme ça – Everybody Happy ? – et avec sa pochette très gay friendly – un bonitos sur fond rose et encore, je ne vous ai pas parlé de l’intérieur du livret qui décline toutes les couleurs de l’arc-en-ciel –, le deuxième album de DDJ ne veut pourtant tromper personne. D c’est pour Benjamin Dousteyssier (saxophone baryton), D c’est aussi pour Julien Desprez (guitare vraiment très électrique) et le J c’est pour Yann Joussein (batterie). Un trio qui, pour faire simple, oscille entre free jazz et noise rock. Encore un me direz-vous. Sauf que l’on s’intéresse là réellement au haut du panier et ce n’est pas ma faute si en ce moment les jeunes formations inventives et dépoussiérant les vieux idiomes – et les vieux idiots – semblent pulluler.
Originaires de Paris, ces trois garçons ont donc une vision aussi précise que personnelle de leur musique. Pour cela ils bénéficient de certains atouts que l’on ne rencontre pas tous les jours : l’utilisation (réussie) d’un saxophone baryton, un batteur très dynamique – il joue également dans Heretic Chaos, un groupe noise/metal du pauvre parodique, excessif et vraiment très drôle – et un guitariste dont on pense certains jours qu’il est sans doute une perle rare. Trois musiciens accomplis donc, sachant se servir de l’électricité (même le saxophone baryton est repiqué) et débordant d’enthousiasme, de créativité et d’idées. On pense entre autres à ces drôles de passages très composés où chaque mesure semble être d’une durée différente de la précédente, toute ressemblance avec un groupe de metal expé d’origine suédoise n’est pas si fortuite que cela, on pense également aux envolées très free pendant lesquelles saxophone et guitare électrique montent en flèche en un même mouvement ascendant et explosif.
Avec DDJ l’auditeur en prend pour son grade tout comme il se délecte : si le trio peut à juste titre être considéré comme un vrai groupe de free jazz, il fait également partie comme on l’a déjà affirmé de toute une mouvance qui sait aller voir ailleurs et se nourrir d’autres influences sans tomber dans les affres de la fusion artificielle et sûrement pas naturelle des genres (ou ayant l’air de l’être). Aux côtés de DDJ on compte ainsi Kouma mais également Q, IRèNe, les regrettés Kandinsky ou les Lunatic Toys (ces derniers étant un rare exemple de groupe s’inspirant de la mélodicité et de l’entrain communicatif de la musique pop). Ce n’est pas un hasard si tous ces groupes partagent parfois quelques membres en communs. Ce n’est pas un hasard non plus si les inspirations extérieurs proviennent à la fois de musiques dures ou plutôt expérimentales.
L’écoute d’Everybody Happy ? révèle toutefois certains aspects autres de DDJ, des choses que l’intensité des concerts ne permet pas toujours d’appréhender pleinement. D’abord on goûte encore plus au jeu de Benjamin Dousteyssier et à la beauté du son de son saxophone baryton. Sûrement parce que la nature de l’enregistrement et du mixage permet à la guitare de lui laisser un peu plus de place. Ainsi DDJ apparait sur disque comme un trio nettement plus équilibré. Equilibré et variant les atmosphères : Happyness est un titre presque ambiant alors que le début de Peace s’attache aux sons imperceptibles, frottements, grincements – certes avant de replonger dans une freeture bouillonnante. Sur Rose Des Bois, le saxophoniste invité Mathieu Garrouste donne une couleur un peu plus conventionnelle au free de DDJ mais n’enlève en rien cette impression d’avoir découvert un groupe qui tente de faire les choses autrement.
Everybody Happy ? est publié en CD par Coax records.