Pour sa toute première sortie chez Denovali Eric Quach/Thisquietarmy a frappé un sacré coup. Jusqu’ici on avait tendance à considérer le mélange de dream pop/shoegaze à tous les étages/drone bobo de Thisquietarmy avec une certaine indulgence empreinte malgré tout d’un soupçon de condescendance désagréable : honorablement dans la moyenne, jamais bruyante ni dérangeante, la musique du jeune homme finissait par convaincre par excès de méticulosité et de précision. De l’atmosphère oui mais du bordel non. Et du danger et du sale, jamais. D’ailleurs le nom même de Thisquietarmy est très symptomatique : en dehors de l’évidence un peu facile et finalement très adolescente de l’allégorie, on y trouve à la fois la notion de musique plaisante et de netteté. Tout un programme.
Avec Resurgence Thisquietarmy fait plus qu’étoffer et intensifier son propos. Eric Quach gagne notoirement en qualité et en pertinence – du moins pour nos petites oreilles – et les conséquences en sont plus que bénéfiques : que Thisquietarmy explore, même discrètement, de nouveaux genres devient d’autant plus appréciable que par ailleurs il s’améliore sur tous les tableaux. Ainsi Thisquietarmy passe de la catégorie bon petit one man band à visée expérimentale consensuelle à celle, moins dépréciative, de one man band qui va voir ailleurs si j’y suis.
Mais où va donc désormais Eric Quach ? Principalement du côté d’un kraut rock assez froid mais incarné, parfois à grands renforts de rythmiques appuyées et outre le fait que Resurgence est de très loin le disque le plus inspiré de Thisquietarmy (comprenez le disque le mieux composé) il est aussi et surtout le plus varié et le moins monotone. Son écoute s’avère instinctive et passionnante, surtout pour un disque quasiment instrumental. Seul le dernier titre de Resurgence est une chanson à proprement parlé, avec en invitée à la voix une certaine Meryem Yildiz (?). Ce Gone To The Unseen conclue superbement l’album avec une touche de gothique flamboyant qui est à la fois une expérience unique au sein de l’album et en même temps un point d’orgue qui tient tout de l’épilogue.
Resurgence a été enregistré sur une période assez longue – de 2007 à 2011– et Eric Quach revendique logiquement un travail en profondeur et libérateur. Il a ainsi souhaité que tout le matériel envisagé pour l’album figure dessus d’une manière ou d’une autre : un deuxième CD (l’édition vinyle comprend un deuxième LP et un 7’ en bonus) compile tous les titres non inclus sur l’album initial. On y retrouve une version raccourcie de To The Unseen ainsi que six autres titres, inédits donc, dont un The Cold Vacancy agrémenté de beaux spoken words déclamés par Zena Virani. Loin de dénaturer Resurgence, ce CD bonus, peut être pas aussi varié, le complète à merveille et puisque la volonté d’Eric Quach/Thisquietarmy était de se « débarasser » de tout son matériel avant de passer à autre chose et de se lancer dans de nouvelles directions, on a tendance à penser qu’il a très bien fait de procéder ainsi.