Je connais assez peu Colin Webster, joueur de saxophone ténor basé à Londres mais je sens que cela va rapidement changer. Il vient de publier en compagnie de Mark Holub (batterie) et de Toby McLaren (Fender Rhodes) un album qui ne lasse pas de surprendre. Sorti il y a quelques semaines sur Gaffer records dans la collection Free Jazz Series, Koi Bombs étonne par sa fraicheur et son inventivité. Une fraicheur qui contraste avec l’académisme et les codes du free jazz et de l’improvisation intégriste – codes que l’on retrouve pourtant ici à profusion car se traduisant par de belles envolées tonitruantes de la part de Colin Webster mais également par quelques passages forts en bruits de bouche et de tuyauterie.
D’ordinaire c’est dans ces moments là, beaucoup trop caricaturaux, que je décroche, largué par les desseins obscurantistes des musiciens. Des moments compassés pour ne pas dire constipés et dont l’intérêt m’échappe alors complètement. Sur You Had Me At Woman, c’est exactement tout le contraire que se produit : on sent que Colin Webster s’y amuse comme un petit fou alors que Mark Holub et surtout Toby McLaren lui répondent avec un plaisir évident. Peut être également que la concision des quelques passages « chauffage et robinetterie » de Koi Bombs est suffisante pour les sauver de la déclaration d’intention et de l’exposition fastidieuse. Les titres les plus classiquement free bénéficient également de cette concision et de cette justesse de ton : le trio Webster/Holub/McLaren se révèle tout simplement être l’un des plus intéressants du moment.
Ce qui attire également, c’est le son, original, du trio. Colin Webster est un très bon souffleur, plein d’idées, mais le Fender Rhodes de Toby McLaren fait plus que séduire. Le garçon ne se contente pas d’assurer quelques lignes rythmiques – chose que de fait il délaisse presque totalement bien qu’il n’y ait pas de (contre)bassiste dans le groupe – et il se lance la plupart du temps dans de curieuses parties improvisées ne tenant pas réellement du solo mais évitant aussi le bidouillage gratuit et abscons. Des ambiances, du grésillement ou des interférences souvent, plus que des vraies (suites de) notes en tous les cas. Le disque se conclue sur un Skavsta mystérieux et presque interstellaire ; aux couinements de Webster, McLaren répond par des messages codés d’extra-terrestres, on n’est pas très loin de Sun Ra et de ses délires spatio-temporels pré-apocalyptiques en forme de volutes. On n’est pas très loin non plus des expériences électroacoustiques d’un Evan Parker. Brillant.