lundi 4 avril 2011

Ron Anderson's Pak / Secret Curve





















Pak est le nom d’un trio monté par Ron Anderson au tout début des années 2000. Le groupe a connu plusieurs line-ups depuis lors mais pour cet enregistrement il s’agit donc de Ron Anderson à la basse, du batteur et percussionniste Keith Abrams et de Tim Burnes à la trompette ou au synthétiseur. Oui, la chose la plus étonnante à propos de Pak c’est bien que Ron Anderson n’y joue pas une seule note de guitare pas plus qu’il ne chante dessus, contrairement au rôle central qu’il tenait au sein des Molecules, groupe à la suite de la mise en sommeil duquel il a justement monté ce nouveau trio. Besoin de changement ? Pas seulement : Ron Anderson explique dans les notes du livret qu’il a voulu créer une musique mettant en avant le jeu du batteur Keith Abrams et que donc se cantonner à la basse pour lui-même lui semblait plus approprié. Au passage, on rigole de voir ce disque de Pak publié chez Tzadik dans la collection Composer Series : Ron Anderson reconnait lui-même qu’il n’est absolument pas un compositeur au sens classique du terme, qu’il ne connait pas une seule note de musique et que s’il laisse les musiciens qui jouent avec lui opérer leurs propres transcriptions, il préfère nettement que tout le monde joue de mémoire – dans ces conditions on sourit toujours devant l’insistance du label à agrémenter chacune des nouvelles sorties de la Composer Series de portées avec notes de musique. Bref.
Le jazz rock de Pak échappe à toutes les dérives progressives qui bousillent un genre jamais avare en démonstrations et techniques ostentatoires de masturbation, pourtant Secret Curve regorge de circonvolutions savantes et d’arrangements parfois touffus dus à la présence de nombreux invités, mais aucun guitariste, comme Anthony Coleman au piano, Tom Swafford au violon ou Stefan Zaniuk à la clarinette basse ou au saxophone ténor – on note également la présence du bidouilleur grenoblois Jérôme Noetinger, celui-ci avait déjà collaboré en 1994 au troisième album des Molecules, Morokyu. Malgré le côté clairement savant et élaboré de Pak, on y décèle toujours ce supplément énergétique qui fait tourner la musique du groupe bien plus rapidement que chez un pauvre groupe de jazz et bien plus foutraquement que chez un groupe lambda de rock. Punk dans l’âme, Ron Anderson l’est toujours, tout comme il est toujours fanatique des Mothers Of Invention – les Molecules reprenaient Who Are The Brain Police ? en concert – mais avec Pak il va encore plus loin dans ses délires, assaisonnant toujours plus sa freeture d’idées farfelues et rafraichissantes. Il a vraiment de la chance d’avoir trouvé des musiciens toujours prêts à le suivre et on aimerait qu’avec Secret Curve et le capital confiance du à toute nouvelle parution sur Tzadik – même si le label ne John Zorn n’est vraiment plus ce qu’il était – il bénéficie enfin d’un peu plus de reconnaissance.