Flock est déjà le cinquième album de Gutbucket, groupe de jazz d’avant-garde soft made in Brooklyn – pour la version hard, se référer directement aux collègues et voisins de Little Women. Par rapport à son prédécesseur A Modest Proposal, déjà sur Cuneiform et enregistrement le plus introspectif de toute la discographie de Gutbucket, Flock marque un certain regain énergétique ainsi qu’une complexification des compositions qui échappent enfin au modèle « on expose, on improvise et on pète éventuellement un câble à la fin du titre » qui plombait un peu trop l’avant-dernier disque du groupe – même si on peut reprocher à toutes ces nouvelles compositions d’être généralement bien trop longues. Ah oui, il y a deux choses de terriblement détestables dans le jazz : les imitateurs de Miles Davis et le bavardage qui n’en finit pas. Heureusement, le line-up de Gutbucket ne comprend qu’un altiste (parfois au baryton ou à diverses formes de clarinettes), un guitariste (avec le temps de moins en moins porté sur la saturation et les dissonances, leur préférant des sons plus synthétiques, c’est vraiment dommage), un bassiste/contrebassiste une chouille trop propre sur lui et un batteur, nouvellement arrivé sur A Modest Proposal et qui cette fois-ci fait arrive à insuffler plus de cohérence, plus de tenue et plus de vie à l’ensemble.
Gutbucket déçoit peut être dans un premier temps à force de redondance – pour un groupe de jazz on en demande toujours plus – un peu comme si le quartet ronronnait comme n’importe quel groupe de rock ayant dépassé le stade du troisième album… un groupe de rock c’est après tout ce à quoi Gutbucket peut faire également penser. Plus en détails et la qualité renouvelée des compositions aidant (trois pour chaque membre du groupe, seul le batteur n’en propose qu’une seule), on se laisse porter par tout le début de Flock, son dynamisme et sa fraicheur, même si le meilleur (Murakami, j’imagine qu’il s’agit là d’un hommage à l’écrivain japonais également gros fan de jazz) est parfois suivi du pire (Trust’n Shout, déjà faible en lui-même et qui plus est doté d’un horrible solo de guitare tout caqueux 70’s digne de Steve Howe, composition vraiment la moins bonne pour ne pas dire minable du disque et malheureusement seule contribution du batteur à Flock : on fermera donc les yeux et les oreilles pour cette fois).
Sur Said The Trapeze To Gravity (Why Are You So Old ?) on est par contre presque étonnés de retrouver un Gutbucket que l’on n’avait plus vraiment entendu depuis Sludge Test (2006). Inventivité, dynamisme, surprises au tournant, Gutbucket arrive à se débarrasser de son engoncement et sa rigidité. Même un titre tel que Give Up finit par convaincre et Gutbucket, malgré la désormais fatale absence de changements notoires dans sa façon de nous faire partager les choses, assure une fin d’album tout ce qu’il y a de plus honnête pour ne pas dire convaincante. Seul l’ultime Born Again Atheist part 3 : Turning Manischewitz Into Wine laisse une impression de moins bien pour cause de trop de longueurs. Mais ce n’est qu’une impression à laquelle on aurait tort de se fier définitivement.