De l’apologie des méthodes ancestrales de communication : c’est en traversant, samedi en fin d’après midi, un quartier autrefois un peu plus vivant, accueillant et sympathique ne serait-ce parce qu’il n’était pas encore classé par l’Unesco comme patrimoine de l’humanité ni envahi de céhèspéplusplus transformant le moindre commerce abandonné en loft trop sympa de coolitude mais se plaignant du moindre bruit alors qu’ils sont eux venus s’installer dans un quartier qui a toujours eu un côté populaire et nocturne, un quartier où il faisait bon vivre parce que les termes de « pollution visuelle » n’existaient même pas et que la mairie locale ne payait pas encore une brigade verte pour verbaliser à propos de toute affiche « défigurant » un paysage urbain aussi aseptisé que faussement idyllique, c’est – donc – dans ce quartier que j’ai croisé l’affiche du concert vantant la venue de Api Uiz.
J’étais content de la voir cette affiche, elle m’a remis en mémoire que j’avais quelque chose de prévu à faire dimanche soir mais en même temps elle me faisait un petit peu pitié, collée au scotch pour qu’elle soit facilement arrachable du mur sur lequel on l’avait apposée. Elle m’a surtout filé un sacré coup de nostalgie – vraiment –, nostalgie de quand il me suffisait de sortir de chez moi, de regarder sur le mur d’en face ou sur celui de la montée contigue et de déchiffrer toutes les affiches collées par les Gougnafs, Silly Hornets puis Central Service ou autres pour des concerts organisés au Caméléon, au Rail Théâtre, au CCO, au Glob ou juste à côté au Local, au Wolnitza, à l’Exit et au [kafé myzik]. Il suffisait vraiment de sortir et de lire ces affiches sur un vrai mur, en briques ou de pierre, et non pas de se balader sur le mur virtuel d’un réseau social internet – méthode devenue quasiment incontournable de nos jours mais manquant terriblement de poésie et de chaleur. Ces affiches et ces murs, ils étaient tout simplement beaux parce que plein de vie. Et jamais je n’aurais alors pensé qu’une volonté politique hygiéniste et réductrice pouvait déclarer ces affiches sales, dégradantes et illégales.
Je me retrouve donc au Grrrnd Zero pour un concert à prix libre, un concert pour lequel toutes les têtes pensantes du lieu se sont concertées, non sans une certaine fierté assumée, pour assurer la programmation. La soirée commence avec Dustin Wong, guitariste échappé de Ponytail et excessivement virtuose. Son dernier LP, Infinite Love, est sorti chez Thrill Jockey, ce qui parfois est plutôt bon signe mais qui n’arrivera pas à refreiner mes réticences au sujet des entrelacs de guitare du jeune homme.
D’une rare dextérité, Dustin Wong ne se prive pas non plus de jongler avec ses nombreuses pédales, multipliant les boucles et se vautrant dans une démonstration guitaristique excluant toute sensibilité et à laquelle on ne saurait non plus accorder le bénéfice de la candeur. Le set de Dustin Wong vire même à la performance pure et simple – avec en face de nous un VRP en pédales d’effet – et dans le meilleur des cas sa musique peut faire penser à du Steve Reich, dans le pire c’est au son insupportablement cristallin et à l’aptitude pour l’empoulage d’un Mike Oldfield que l’on pense. Dommage, surtout que Dustin Wong ne semble pas vouloir s’arrêter de jouer, son set va durer plus d’une heure, ce qui est beaucoup trop long pour ce genre d’acharnement biotechnologique sur la musique. Déception.
Api Uiz par contre ne va pas décevoir. Ces bordelais pourraient s’enorgueillir d’avoir été parmi les premiers pionniers des groupes de rock instru et barré, ce que certains maintenant appellent happy noise – qu’est ce que je peux détester ce terme –, ce que l’on qualifie aussi (à tort, dans le cas d’Api Uiz) de math rock et autant de choses que le trio ne revendique pas et n’a jamais revendiqué. Un peu à part et avant tout le monde, Api Uiz s’en fout éperdument. On peut aller jeter un coup d’œil et une oreille sur le site de leur label, les Potagers Natures, où tous les disques d’Api Uiz ainsi que ceux d’autres groupes tout aussi excellents (Headwar, France, Chocolate Billy, Marvin, Glen Or Glenda, Napalm Dance ou Radikal Satan, pour n’en citer que quelques uns) sont téléchargeables librement.
Il me tardait de revoir le groupe en concert, illuminé par une toute première fois il y a quelques années au CCO – également un des premiers concerts Kaugumi si mes souvenirs sont bons. Api Uiz n’a pas vraiment changé, chien fou jouant une musique inclassable bien que quelques termes remontent à la surface (ceux déjà énumérés au paragraphe précédent) mais donnent une idée forcément incomplète de la chose. Api Uiz, c’est tout l’inverse de Dustin Wong : que du naturel et la performance technique n’écrase jamais un enthousiasme démesuré. J’ai rarement vu un guitariste jouer avec un tel sourire, à la fois halluciné et de plaisir, sourire qui lui est parfaitement à l’image de la musique délirante et pointue du trio. On a toujours droit aussi à quelques « altercations » entre les trois membres du groupe : cela commencera avant même la musique autour d’un sketch à propos du réglage de la lumière sur la scène. Que du bonheur.
J’étais content de la voir cette affiche, elle m’a remis en mémoire que j’avais quelque chose de prévu à faire dimanche soir mais en même temps elle me faisait un petit peu pitié, collée au scotch pour qu’elle soit facilement arrachable du mur sur lequel on l’avait apposée. Elle m’a surtout filé un sacré coup de nostalgie – vraiment –, nostalgie de quand il me suffisait de sortir de chez moi, de regarder sur le mur d’en face ou sur celui de la montée contigue et de déchiffrer toutes les affiches collées par les Gougnafs, Silly Hornets puis Central Service ou autres pour des concerts organisés au Caméléon, au Rail Théâtre, au CCO, au Glob ou juste à côté au Local, au Wolnitza, à l’Exit et au [kafé myzik]. Il suffisait vraiment de sortir et de lire ces affiches sur un vrai mur, en briques ou de pierre, et non pas de se balader sur le mur virtuel d’un réseau social internet – méthode devenue quasiment incontournable de nos jours mais manquant terriblement de poésie et de chaleur. Ces affiches et ces murs, ils étaient tout simplement beaux parce que plein de vie. Et jamais je n’aurais alors pensé qu’une volonté politique hygiéniste et réductrice pouvait déclarer ces affiches sales, dégradantes et illégales.
Je me retrouve donc au Grrrnd Zero pour un concert à prix libre, un concert pour lequel toutes les têtes pensantes du lieu se sont concertées, non sans une certaine fierté assumée, pour assurer la programmation. La soirée commence avec Dustin Wong, guitariste échappé de Ponytail et excessivement virtuose. Son dernier LP, Infinite Love, est sorti chez Thrill Jockey, ce qui parfois est plutôt bon signe mais qui n’arrivera pas à refreiner mes réticences au sujet des entrelacs de guitare du jeune homme.
D’une rare dextérité, Dustin Wong ne se prive pas non plus de jongler avec ses nombreuses pédales, multipliant les boucles et se vautrant dans une démonstration guitaristique excluant toute sensibilité et à laquelle on ne saurait non plus accorder le bénéfice de la candeur. Le set de Dustin Wong vire même à la performance pure et simple – avec en face de nous un VRP en pédales d’effet – et dans le meilleur des cas sa musique peut faire penser à du Steve Reich, dans le pire c’est au son insupportablement cristallin et à l’aptitude pour l’empoulage d’un Mike Oldfield que l’on pense. Dommage, surtout que Dustin Wong ne semble pas vouloir s’arrêter de jouer, son set va durer plus d’une heure, ce qui est beaucoup trop long pour ce genre d’acharnement biotechnologique sur la musique. Déception.
Api Uiz par contre ne va pas décevoir. Ces bordelais pourraient s’enorgueillir d’avoir été parmi les premiers pionniers des groupes de rock instru et barré, ce que certains maintenant appellent happy noise – qu’est ce que je peux détester ce terme –, ce que l’on qualifie aussi (à tort, dans le cas d’Api Uiz) de math rock et autant de choses que le trio ne revendique pas et n’a jamais revendiqué. Un peu à part et avant tout le monde, Api Uiz s’en fout éperdument. On peut aller jeter un coup d’œil et une oreille sur le site de leur label, les Potagers Natures, où tous les disques d’Api Uiz ainsi que ceux d’autres groupes tout aussi excellents (Headwar, France, Chocolate Billy, Marvin, Glen Or Glenda, Napalm Dance ou Radikal Satan, pour n’en citer que quelques uns) sont téléchargeables librement.
Il me tardait de revoir le groupe en concert, illuminé par une toute première fois il y a quelques années au CCO – également un des premiers concerts Kaugumi si mes souvenirs sont bons. Api Uiz n’a pas vraiment changé, chien fou jouant une musique inclassable bien que quelques termes remontent à la surface (ceux déjà énumérés au paragraphe précédent) mais donnent une idée forcément incomplète de la chose. Api Uiz, c’est tout l’inverse de Dustin Wong : que du naturel et la performance technique n’écrase jamais un enthousiasme démesuré. J’ai rarement vu un guitariste jouer avec un tel sourire, à la fois halluciné et de plaisir, sourire qui lui est parfaitement à l’image de la musique délirante et pointue du trio. On a toujours droit aussi à quelques « altercations » entre les trois membres du groupe : cela commencera avant même la musique autour d’un sketch à propos du réglage de la lumière sur la scène. Que du bonheur.
Reste à parler du concert d’X-Or pour en terminer avec cette soirée. Je vais lâchement vous laisser vous démerder tous seuls : il y a des vidéos d’eux qui trainent sur le net, il y a également les photos du concert – concert auquel je ne suis pas resté très longtemps car je ne comprends pas l’humour et l’intérêt du duo. Je n’aime pas non plus ce mélange de Charlie Oleg, Francky Vincent, les Garçons Bouchers, Jean-Pierre François, Herbert Léonard et Gronibard. Je sais que c’est fait exprès et que c’est tout pour rire mais faut pas trop m’en demander non plus. Je rappelle une fois de plus que je n’ai absolument aucun humour.