jeudi 23 février 2012

Kouma / self titled





Kouma est un jeune trio de free jazz basé à Lyon. Dans le line-up du groupe on retrouve avec bonheur Romain Dugelay au saxophone, un musicien que l’on avait pu découvrir il y a déjà quelques temps avec R.Y.R (aux côtés de Yoann Durant d’IRèNe et de Kandinsky ainsi que de Rodolphe Loubatière). Mais dans Kouma on compte également Damien Cluzet à la guitare ainsi que Léo Dumont à la batterie. Le premier joue dans Ukandanz, quant au second il joue également dans Tût ainsi qu’au sein de nombreuses autres formations. Kouma fait en outre partie des groupes du Grolektif, joyeux kolkhoze jazzeux de musiciens indépendantistes gravitant autour du Périscope (une chouette salle de concerts où les lyonnais sont de plus en plus amenés à se rendre ces derniers temps).
Ce CD est la toute première trace discographique de Kouma et il étonne déjà par sa maturité et toute son originalité. Principale raison à cela : le line-up vraiment inhabituel du trio puisque abritant un saxophone baryton ainsi qu’une guitare baryton elle aussi – le son de Kouma est aussi peu commun que personnel, travaillé que puissant et finalement pas toujours si (free) jazz que cela. En particulier le guitariste a cette façon insistante de plaquer des accords secs et/ou dissonants qui rappelleront à certains mélomanes l’entrain virulent de quelques groupes de noise : Damien Cluzet ne joue pas beaucoup de notes à la suite, évite les gratouillages en forme de solo pénible à supporter et a donc une approche plus sonore et (disons) « texturelle » de son instrument. Le jeu de batteur sort également des sentiers battus : pour nos amis rockers bobo-ethniques et autres ennemis punks à chiens, on signalera par exemple que la rythmique du très vivifiant Krach #2 semble tout droit tirée d’une composition des excellents The Ex. Léo Dumont a une frappe précise, absolument pas basée sur un quelconque groove swinguant, assez concassée et tribale il faut bien le dire mais pas vraiment rock non plus (trop de mesures bancales et de breaks voltigeurs) mais pas typiquement jazz pour autant. Comme beaucoup de batteurs cascadeurs il est avant tout la cheville ouvrière et la charnière d’une musique aussi énergique qu’imaginative.
Kouma joue donc beaucoup sur la puissance, le volume et la densité. Ce qui n’empêche pas le (power) trio de savoir momentanément calmer le jeu (Tangente pourtant parcouru de déflagrations du plus bel effet). Et finalement l’élément le plus  « jazz » et logiquement le plus mélodique chez le trio est son saxophoniste. Lequel nous fait donc la joie de jouer exclusivement du saxophone baryton, instrument rare s’il en est (dans les formations actuelles et modernes je ne vois que les parisiens de DDJ qui jouent un peu sur le même terrain que Kouma), instrument difficile au niveau du rendu, épuisant parait-il et parfois difficile à maîtriser mais tellement porteur de belles et fortes sonorités… ce dont Romain Dugelay ne se prive absolument pas tout en sachant jouer à merveilles avec le côté très frontal et abrasif de son instrument pour une expressivité toujours passionnante.