Une belle affiche free jazz/noise machin truc avec LOUP et DDJ en concert au Périscope. Mais contrairement à ce qui était annoncé à l’entrée de la salle, il ne s’agissait nullement d’une double release party. DDJ proposait effectivement un nouvel album mais celui de Loup ne paraitra lui qu’au mois de juin prochain, sur Gaffer records.
Le Périscope est malheureusement resté bien vide, sans doute parce que au même moment de l’autre côté de la ville se déroulait Le Festival de La Jeunesse de la Honte* en soutien à S’Etant Chaussée, organisateur de concerts lyonnais bien connu mais néanmoins sur la paille (comme tant d’autres). Et puis il faut dire également qu’un prix d’entrée à 9 euros pour deux groupes plutôt inconnus pouvait se révéler dissuasif… du moins voilà un tarif qui n’incite ni à la découverte ni à la curiosité et heureusement que j’ai pu dégainer ma carte de chômeur professionnel pour pouvoir bénéficier du tarif réduit à 7 euros.
Il ne s’agit pas de polémiquer car les temps sont durs, aussi bien pour les organisateurs de concerts que pour les amateurs de musique(s) mais il y a forcément un moment où les choses ne seront plus possibles : le point d’équilibre entre rentrer dans ses frais ou se faire un petit peu d’argent pour les groupes/organisateurs et ne pas se ruiner pour aller voir un concert est de plus en plus difficile à trouver.
Loup – duo composé de Clément Edouard** et de Franck Gaffer/Sheik Anorak et groupe que l’on connait bien ici – a été invité par le périscope pour assurer la première partie de ce concert et c’est tant mieux : c’est toujours avec grand plaisir que l’on revoit ces deux là, et leur mélange de free jazz barré, de rock bruitiste, de manipulations sonores et de drone indus est toujours plus intrigant et plus passionnant.
Même si on a déjà vu et entendu les deux musiciens sur une scène un nombre incalculable de fois on est toujours surpris par la vitalité et le dynamisme de leur musique qui donc ne s’embarrasse guère de codes musicaux mais sait très bien les utiliser pour autre chose et propose quelques angles d’attaque et points de vue différents. Les deux musiciens ont des backgrounds à priori dissemblables – Clément est un vrai jazzeux, Franck vient du punk et de la noise – mais ils sont aussi esthètes l’un que l’autre, ont les oreilles grandes ouvertes et finalement beaucoup de points de convergence.
Dans le cas de Loup le terme de collaboration prend ainsi tout son sens et débouche logiquement sur une musique qui possède indéniablement la plus grande des qualités : l’immédiateté.
C’est la deuxième fois que je vois le trio DDJ en concert. DDJ comme la première lettre du nom de chaque musicien qui compose le groupe : Benjamin Dousteyssier au saxophone baryton, Julien Desprez*** à la guitare et Yann Joussein à la batterie. Et DDJ présente ce soir son deuxième album, Everybody Happy ?**** qui vient tout juste de paraitre sur Coax records (le label du collectif du même nom et dont IRèNE fait également partie).
Lors du concert à Buffet Froid le côté découverte et surprise avait sûrement pris le pas sur tout le reste. Dans le cadre beaucoup plus feutré et nettement plus confortable du Périscope il en a été tout autrement. Je (re)découvre un groupe encore plus énervé et tendu et après une introduction guitare/batterie à faire vibrer de bonheur tout amateur blasé et quarantenaire de noise rock, le saxophone baryton fait son entrée et DDJ décolle immédiatement en direction de la sonicsphère.
Je ne sais donc pas ce que ces trois là avaient mangé ou consommé avant le concert, je ne sais pas s’ils avaient ou pas une bonne raison d’être ainsi énervés mais DDJ a largement explosé les vumètres et les quotas généralement admis en matière de freeture volcanique et de free noise tout court. L’une des particularités de DDJ c’est l’utilisation d’un saxophone baryton – un instrument bien trop rare et pourtant tellement porteur de beaux sons alliant abrasivité et tellurisme mais aussi rondeur et expressivité – or il faut bien admettre que c’est la guitare qui s’est taillée la part du lion. Mais on admet également qu’elle n’aurait pas pu le faire sans l’appui d’un saxophone aussi inventif et de cette batterie vraiment convaincante dès qu’il s’agissait d’allier puissance et flamboyance.
Julien Desprez – nommons-le puisque c’est de lui que l’on parle – a tout simplement un vrai son de malade. Il ne joue pourtant pas très fort, la bourrinade n’a pas droit de citer ici, ce qui lui permet au contraire de jongler sur l’équilibre entre violence du son et fourmillement des détails. Des détails son jeu n’en manque précisément pas, une délicatesse certaine, un touché particulier et une façon de manipuler sa guitare, presque du bout des doigts, qui contraste avec les sons qui en sortent.
[DDJ a joué un premier set et tout le monde croyait que le groupe allait s’arrêter là. Mais après une courte pause les trois musiciens sont remontés sur scène pour une dernière et courte partie encore plus explosive]
* festival qui apparemment ne s’est pas aussi bien passé que ce qu’il aurait du, la connerie humaine n’a pas de limite même dans les milieux DIY
** il est également membre des Lunatic Toys qui fêteront la sortie de Briciola, leur deuxième album et le premier pour Carton records, le 8 mars prochain au même endroit
*** il joue dans IRèNE aux côtés de Clément Edouard mais on le retrouve également au sein d’un énigmatique trio nommé Q
**** un album dont on reparlera ici très bientôt, tout comme celui de Q qui vient de paraitre chez Rude Awakening