Le concert débutera à 20 heures précises, une phrase imprimée sur les flyers du monde entier qui fait toujours rire car on finit toujours par attendre plus ou moins, bon gré mal gré. Cela fait partie du jeu et le jeu peut être assez amusant – papotages, rencontres, bières – sauf en plein mois de janvier, au beau milieu de l’hiver et alors qu’il gèle à pierre fendre. J’attends donc, tout seul puis à plusieurs que le concert réunissant Moms On Meth et Bacchus veuille bien commencer.
La raison de l’attente était du reste toute simple : l’organisateur avait annoncé un prix de 5 euros tandis que le Trokson (le bar accueillant le concert) préférait mettre l’entrée à prix libre, proposant par contre de rémunérer les groupes sur les bénéfices du bar (et ce faisant majorant le tarif des consommations*). Il y a déjà des endroits où ce genre de pratique est courante – on m’a parlé d’un bar assez fabuleux sur Nîmes où les concerts sont toujours blindés, l’ambiance toujours délirante et où le patron refile au minimum 300 euros à la fin de soirée. 300 euros ce n’est pas rien mais cela semble exceptionnel. Si on peut comprendre qu’un patron de bar veuille préserver ses billes tout en accueillant un concert, le système est par contre très contraignant et défavorable pour les orgas et groupes DIY : tourner se fait souvent à perte – tu as vu le prix de l’essence ? tu as vu les droits de passages des autoroutes ? – ou tout du moins en rentrant juste dans ses frais.
Car en plus le prix des petits concerts n’a pas augmenté ces dernières années, il a même baissé et les groupes, quelle que soit leur bonne volonté, souffrent – pour mémoire à Lyon en 1988 Gougnaf ou les Silly Hornets mettaient les prix des concerts à 50 francs puis entre 1996 et 2001 le Pezner faisait seulement payer entre 50 et 70 francs alors que la monnaie avait alors un pouvoir d’achat bien supérieur à notre euro actuel. Il faut garantir un minimum aux groupes qui tournent, vivre sa musique avec passion c’est bien mais crever de faim n’est pas une solution.
Finalement le concert a été payant et 5 euros est un prix correct pour un concert réunissant deux groupes dans une cave très (très) sombre.
C’est avec une réelle impatience que j’attendais de voir enfin Moms On Meth en concert. Le groupe a pourtant déjà joué au moins quatre fois sur Lyon en six mois… Dans Moms On Meth on retrouve un guitariste des Veuve SS, un batteur des Lost Boys ainsi qu’un bassiste et un autre guitariste que j’ai déjà vus jouer mais je ne me rappelle absolument pas avec qui ni où – ça c’est de la précision, merci. Ce qui m’intriguait c’est l’avalanche de commentaires très élogieux autour du groupe, ce qui m’intriguait aussi c’est que des groupes hard core flirtant avec le power violence il n’y en a pas des masses dans le paysage musical actuel pour ne pas dire qu’il n’y en a pas du tout sur Lyon. Et j’étais très intrigué par Elizabeth qui chante et joue également de la basse dans Alligator : si je suis presque totalement réfractaire à ce duo pop qu’elle a monté avec Lisa de Réveille (parce que j’ai des goûts de merde) je me demandais comment allait se passer les choses lorsqu’elle joue avec Moms On Meth – les deux groupes étant radicalement antinomiques, c’est le moins que l’on puisse dire. En fait je savais déjà plus ou moins de quoi il en retournait puisque j’avais triché en regardant des vidéos de Moms On Meth qui tournent sur le net… mais rien ne vaut un vrai concert, pas vrai ? Voilà donc une vraie hurleuse et qui n’en fait pas trop, bravo.
Mais Moms On Meth c’est aussi les quatre boys qui dézinguent avec une violence inaltérable un fast core qui tire parfois sur le grind – le batteur est un monstre –, avec des riffs qui tiennent du carnage et des compositions extrêmement bien torchées. Et puis le groupe a bénéficié d’un avantage de poids en jouant sur le matériel de Bacchus (le groupe d’après), lequel possède une collection d’amplis aussi démesurés que surpuissants. Moms On Meth a donc assuré avec un gros son de malades. Et rajoutons enfin qu’un groupe reprenant Hate The Police des Dicks avec autant de réussite ne peut pas être mauvais. Des mères de famille usagées, de la drogue de synthèse pourrie, ça y est je suis amoureux.
Pour faire vite on va dire que Bacchus est un pur groupe de crust. Tout ce qu’il faut là où il faut et des comme ça on en a connus des dizaines et si l’espèce humaine arrive à survivre à l’année 2012 – ce que je ne lui souhaite pas, après ce sera encore pire – on en verra encore sûrement quelques dizaines de plus. Ces irlandais – mais on s’en fout d’où ils viennent, non ? – jouent comme des brutes et assurent un mur du son bien compact grâce à la rangée d’amplis déjà évoquée. J’abandonne la cave du Trokson après quelques titres, un peu lassé bien que partiellement conquis par tout ce déluge. Je rejoins mes parisiens du moment toujours en visite sur Lyon, et en route pour le marchand de tandoori du coin. Quand je vous disais que la faim peut aussi être l’ennemi de la musique.
* j’ai payé ma bière 2.60€ alors qu’un quart d’heure avant un ami avait payé la sienne 2.30€ – il faut vendre un paquet de bières pour assurer un minimum décent aux groupes qui jouent, non ?