Seth Putnam est finalement mort en juin dernier, à l’âge de 43 ans, d’un arrêt cardiaque et dans une certaine indifférence. On se rappellera qu’en 2004 il était tombé dans un coma profond suite à l’ingurgitation d’un détonnant cocktail de crack, d’héroïne, d’alcool et de l’équivalent de deux mois de traitement d’un puissant somnifère. Voilà un homme qui n’a jamais fait semblant et si cette tentative de suicide supposée (cela n’a jamais été prouvé et le principal intéressé a toujours tourné la chose en dérision, comme à son habitude) a laissé sur lui nombre de séquelles, il n’en a pas moins continué à vomir sa haine sur le monde entier jusqu’à la fin de sa vie.
Anal Cunt était donc son groupe principal. Mais Seth Putnam en a eu bien d’autres tels que Adolf Satan, Impaled Northern Moonforest, Full Blown A.I.D.S. ou Vaginal Jesus. Un vrai festival. Or l’homme en avait littéralement rien à foutre : plus il exacerbait la détestation, la haine et le rejet et plus il semblait satisfait, allant jusqu’au bout d’une logique destructrice, misanthrope et nihiliste qui l’a amené en compagnie d’Anal Cunt à composer des hymnes aux titres aussi doucereux que Hitler Was A Sensitive Man, I Sold Your Dog To A Chinese Restaurant ou I Made Your Kid Get A.I.D.S. So You Could Watch It Die. Seth Putnam s’était en outre fait une spécialité d’insulter plus directement les autres – on se rappelle du monstrueux single Anyone Who Likes The Dillinger Escape Plan Is A Faggot – mais n’hésitait jamais non plus à se rabaisser lui-même (Everyone In Anal Cunt Is Dumb).
Mais ça, c’était à l’époque où les compositions d’Anal Cunt avaient de vrais titres et parfois même de vraies paroles, en tous les cas un peu plus de trois ou quatre mots alignés à la suite. Car aux débuts du groupe il en était tout autrement. Et les débuts c’est précisément ce que documente ce The Old Testament 1988 - 1991, un double CD bourré jusqu’à la gueule de tous les premiers enregistrements d’Anal Cunt, à commencer par la première démo de 1988 jusqu’à une collection de singles, mini albums et autres splits tous plus obscurs les uns que les autres. Il y a plusieurs dizaines de « compositions » sur ces deux CD. Mais comme elles n’ont pas de titres (comme sur les vinyles d’origine), elles ont été gravés telles quelles, les unes à la suite des autres. Ainsi une plage de CD correspond ni plus ni moins à un disque entier. Il aurait été difficile de procéder autrement d’autant plus qu’Anal Cunt à ses débuts et pendant ses deux ou trois premières années d’existence n’envisageait sa musique que sous une seule et unique forme : éruptions de moins de 40 secondes + hurlements et dégueulis de Seth Putnam + barouf de saturation à la guitare de Mike Mahan + blast beats complètement à côté de la plaque de Tim Morse. Cela ressemblait strictement à rien si ce n’est à un long vomi douloureux. La seule chose qui – musicalement – pourrait se rapprocher des débuts d’Anal Cunt serait le non moins putrescent Tokyo Anal Dynamite de Gerogerigegege ou comment faire une musique de haine à l’aide de « vrais » instruments tout en se rapprochant du harsh noise. Plus on avance dans l’écoute de The Old Testament 1988 – 1991 et plus le résultat commence à ressembler à quelque chose de connu à défaut d’être maîtrisé – il y a même une reprise de MC Hammer et du live « acoustique » ! Mais, encore une fois, la ligne de direction de Seth Putnam n’était pas de chercher à communiquer sur quoi que ce soit mais bien à provoquer dégoût et nausée avec ses déflagrations d’une imbécilité rarement atteinte jusque là.
Génie allumé pour les uns (genre « le GG Allin du grind ») ou crétin stupide et nuisible selon presque tous les autres, Seth Putnam aurait donc eu le temps d’assembler cette compilation lui-même avant de mourir et ce à la demande de Relapse*. Par contre on se rappelle qu’Anal Cunt avait été déprogrammé du Hellfest 2011 pour calmer certains esprits s’offusquant des appels à la haine homophobe, raciste et sexiste du groupe. Il y a ceux qui prétendent que tout ceci n’était qu’un jeu (dangereux) de la part de Seth Putnam et il y a ceux qui affirment que ce type était au delà du nauséabond et de l’ignoble. On aurait pu demander à l’intéressé de répondre pour une fois sérieusement à ce questionnement sans fin mais Seth Putnam a eu la bonne idée de mourir avant, presque encore jeune, avant en tous les cas d’avoir l’air complètement ridicule ou d’avoir l’idée de se repentir ou – tout au contraire – de virer à l’idéologue rance et établi. Merci la mort.
[cette délicieuse chronique vous pouvez également la lire – mais avec une impardonnable faute d’orthographe au nom de Seth Putnam – dans le tout récent numéro 8 de (new) Noise, ce qui présente deux énormes avantages : premièrement un journal imprimé sur du papier c’est plus facile à emporter aux chiottes ; deuxièmement vous pourrez ainsi en profiter pour vous torcher avec la page contenant cette chronique, je suis sûr que cela aurait plaisir à Seth Putnam – R.I.P]
* mais il n’a pas du trop se fouler non plus : il n’aura en effet pas échappé aux plus fins des amateurs d’Anal Cunt que ce The Old Testament 1988 – 1991 est une version un tout petit plus complète de The Early Years, un double CD publié en 2000 par Artemis records