A peine remis du concert donné la veille à l’Epicerie Moderne par The Good Damn, direction le Sonic pour une nouvelle soirée placée sous le signe du partage, de l’amitié et de la bonne humeur, une soirée estampillé Grrrnd Zero en ballotage défavorable* et surtout dotée d’une programmation mirlitonnée par Maquillage Et Crustacés & Associée. Au menu : gratins végétariens psychédéliques, Torticoli en version trio, des Kurws polonais, des Berline 0.33 lillois, de la bière, du Jack Daniel’s et une pluie qui ne cessera pas de tomber pendant une bonne partie de la soirée.
Une pluie qui n’a pas empêché près de 70 personnes de faire le déplacement jusqu’au Sonic. Ces derniers temps, suite aux tracas politico-administratifs de Grrrnd Zero, on ne peut que constater qu’il y a à nouveau des problèmes de programmation sur Lyon – certains ne se remettent toujours pas cet automne de l’absence des concerts de Woman, Enablers ou Chevreuil Sakit (faîtes votre choix, sachez aussi qu’il y a eu beaucoup d’autres abonnés absents…) – mais le public local a tout de même pu se sentir gâté avec les venues d’Aluk Todolo, Pivixki, The Thing, MoHa!, The Good Damn, Poino, Paramount Styles, la Colonie de Vacances, les Melvins, Mike Watt… des concerts pour tous les goûts, même pour les goûts de vieux. Alors tant que le public répond présent pour une affiche réunissant un groupe local (presque) débutant, des polonais anonymes et un groupe de Lille peut-être salué de toutes parts mais dans un tout petit monde, on peut considérer que tout n’est peut être pas totalement perdu pour la ville des lumières.
Bon allez, les Torticoli, c’est environ la cinquième fois que je les vois jouer en moins de six mois et je me demande si je vais un jour en avoir marre. Ce soir le groupe est de retour à sa formule trio puisque le chanteur est malade. Qu’à cela ne tienne, je suis assez content de revoir ces jeunes gens avec cette configuration puisque c’est ainsi que je les avais découverts en mai dernier. Depuis, tout en continuant à jouer des titres instrumentaux free noise bien barrés et francs du collier, Torticoli a intégré dans sa set list des compositions assez différentes, chantées donc, et d’une veine nettement plus hard core et basique. On peut trouver cette façon de procéder assez schizophrène or c’est aussi ce qui plait chez ce groupe, le côté Dr Jekyll et Mister Hyde.
Mais donc retour aux fondamentaux, c'est-à-dire à une musique bouillonnante, furieuse, bruyante mais précise et uniquement instrumentale. L’avantage c’est qu’il n’y a aucun effort à faire pour passer de la face chantée/obscure de Torticoli à la face instrumentale/déglinguée du groupe, pas de jetlag spatio-temporel ni de remise en question de l’idéologie esthétique : le trio a directement rué dans les brancards – l’un d’eux me dira après le concert que pourtant ils ont un peu galéré pour la mise en place et qu’ils se sont cherchés un peu plus que d’habitude – et Torticoli s’est déchainé tout du long.
Maintenant je reconnais les titres joués par le groupe et il y a toujours celui pour lequel le guitariste placé à gauche utilise un bottleneck et qui me fait invariablement son petit effet – un titre qui figure en bonne place en compagnie de quatre autres sur la première démo/CDr que le groupe vient d’enregistrer et de publier et dont on ne manquera pas de reparler ici. A noter également que deux Torticoli jouent dans un autre groupe appelé Oxen Coax, lequel sera en première partie de Nitkowski et Silent Front le 30 novembre prochain, toujours au Sonic.
The Kurws jouent en seconde position. Ce groupe polonais a été rajouté tardivement à l’affiche initiale et c’était à priori plutôt une bonne idée. Mais lorsque le groupe interprète un premier titre – que j’espère parodique – en forme de rock alterno/festif/choucroute et bière à volonté, le sourire bienveillant qui illuminait mon visage éternellement avenant disparait aussitôt. The Kurws c’est (de la gauche vers la droite) un saxophoniste, un guitariste, un batteur, un bassiste et second souffleur (à la clarinette basse). Tous ont plus ou moins donné de la voix sur ce premier titre, avec des airs de gros bêtas qui s’amusent bien, tant mieux pour eux je vous dirais, et c’est pour cette raison que j’ai d’abord cru à une blague.
Une blague qui n’en était pas une : la musique de The Kurws se partage entre dérives free et morceaux beaucoup plus basiques, presque d’un rock’n’roll de mauvais goût et festif et ces cinq jeunes gens ont beau avoir l’air très sympathique et ils ont beau faire preuve d’un certain enthousiasme, cela ne passe absolument pas. Je me retrouve à l’extérieur de la salle au milieu du troisième titre seulement, passerai la fin du concert à tendre l’oreille de temps à autre pour déceler une éventuelle amélioration et lorsque dans un accès de charité exagérée mais sincère je retournerai à l’intérieur, ce sera pilepoil pour la dernière note sonnant la toute fin du concert – je ne pourrai donc jamais vérifier si ma première impression en forme de détestation de The Kurws aurait pu être confirmée ou infirmée par un second examen de passage. Tant pis.
Les stars de la soirée c’est donc Berline 0.33, groupe que l’on avait pu découvrir avec un très bon premier EP Flying Above Scarecrows et Planned Obsolescence, un premier album à presque se rouler par terre. En concert les lillois n’ont vraiment pas déçu, piochant dans leurs deux disques – rhâââ pouvoir enfin entendre Hoopladder sur scène – et jouant une petite pincée d’inédits du même niveau. S’il fallait qualifier le groupe de post punk se serait très certainement à cause de cette basse écrasante et presque lead qui mène la danse. De l’autre côté de la scène le guitariste a toute latitude pour jouer à l’équilibriste avec un air froid et distancié qui vous foutrait les jetons si on n’était pas à un concert à regarder un groupe s’agiter sur une scène.
Berline 0.33 est donc aussi bon dans la vraie vie que sur disque, boosté par un batteur vraiment épatant et insufflant une dynamique froide et dangereusement attractive – bien que la musique soit différente on pense certainement plus d’une fois à A-Frames : même façon de souffler le chaud et le froid, mélange d’implacabilité héritée du post punk et de rage noise rock. Mais l’objet de toutes les attentions c’est souvent cette chanteuse démesurée à l’accent impeccable**, aux intonations décidemment pas très éloignées de celles d’une Lydia Lunch trentenaire et à la prestation visiblement habitée. Elle a vraiment été épatante. Dommage toutefois que le groupe n’ait pas voulu nous gratifier d’un titre supplémentaire alors que tout le public réclamait un rappel.
* j’avais également pensé à « vie et mort d’une utopie musicale communautaire » mais cette formulation un brin hippie du truc me gêne forcément aux entournures et surtout tout n’est pas encore fini
** prononcez [beurline ziro poïnte ceurtisri]
[pour les voyeurs, quelques photos supplémentaires par ici]
[pour les voyeurs, quelques photos supplémentaires par ici]