Lyon, ville maudite : après Grrrnd Zero et le Sonic, c’est au tour du Clacson de souffrir. Comme le demande l’équipe du lieu à qui veut bien le faire, j’ai écrit la lettre ci-dessous au maire d’Oullins, municipalité où se trouve le Clacson. Je vous invite à faire de même : monsieur-le-maire[at]ville-oullins.fr. On peut aussi lire les explications données par les principaux intéressés sur la page F******ck qui est dédiée à cette lamentable histoire.
[…]
Monsieur le Maire,
Ce n’est pas sans une certaine stupéfaction que j’apprends les déboires du Clacson, salle de concerts bien connue de l’agglomération lyonnaise et se situant dans votre ville, Oullins.
On m’explique que la salle devrait arrêter toute activité de résidences d’artistes, que les répétitions in situ n’y seraient plus autorisées et qu’un limiteur de son réglé sur 97 dB doit y être impérativement installé.
Monsieur le maire, je ne comprends pas. Et plutôt que « stupéfaction » c’est le mot colère que j’aurais du employer. Vous n’êtes pas sans savoir que les résidences d’artistes font partie intégrantes du projet culturel défendu par le Clacson. Qu’à ce titre cette structure a toute la confiance – et touche des subsides – de collectivités territoriales ou d’organisme tels que le Département du Rhône, la Région Rhône-Alpes ou la DRAC. Votre décision va complètement à l’encontre d’une politique culturelle ouverte, axée sur la diversité, s’intéressant aux différences et supportant un vivier underground et parallèle au sein duquel se révèleront peut être les artistes de demain.
Monsieur le Maire, mépriser ainsi les cultures souterraines et décalées c’est mépriser toutes celles et tous ceux qui les soutiennent, les aiment, vont assister à des concerts au Clacson, vivent des moments forts, font des découvertes, rencontrent des gens. Le but ultime de la création artistique, notamment de la création musicale, est le rapprochement et/ou le partage. Toute vision artistique est bonne à prendre, la question de son éventuelle acceptation ou de son rejet – pourquoi pas ? – ne relève que de considérations philosophiques sur le « beau » (pour cela je vous renvoie à ce cher Emmanuel Kant et à son célèbre « est beau ce qui plait universellement sans concept » lié au sujet individuel ressentant une sensation devenant alors certitude universelle).
Alors on m’explique à nouveau qu’il n’y a rien à faire : il faut absolument clarifier la situation du bâtiment dans lequel se trouve le Clacson et où cohabitent nombre d’associations et de structures différentes. La promiscuité et l’inconfort liés aux problèmes acoustiques du lieu seraient désormais trop prégnants pour qu’une telle situation dure encore davantage.
Mais j’entends aussi que l’équipe gérant le Clacson a plus d’une fois au cours des dernières années alerté votre municipalité à ce sujet et demandé que des travaux soient effectués pour le confort de tous, le Clacson comme les autres associations et le personnel municipal, hébergés dans le même bâtiment : dois-je en déduire que vous et vos collègues élus avez sciemment joué le pourrissement ? J’en suis en effet persuadé et le dédain intolérable que vous affichez à l’égard des groupes et artistes ayant joué au Clacson, à l’égard du public qui a assisté nombreux à moult concerts depuis près de 30 ans et enfin et surtout à l’égard de l’équipe du lieu est tout simplement inacceptable et malheureusement symptomatique de la tendance actuelle du nivellement culturel par le bas, de l’hygiénisme sociétal généralisé et d’un repli sur soi qui – puisqu’en France comme ailleurs il ne s’applique malheureusement pas qu’à la culture mais aussi à toutes formes de rapports sociaux en général – ne peut que conduire à la faillite d’un modèle de société que vous prétendez défendre.
J’imagine que vous saviez également que la Clacson allait fêter son trentième anniversaire au mois de décembre prochain. Qu’un disque – un vrai, en vinyle et qui tourne en 33rpm – devait paraitre pour l’occasion. Maintenant la fête est tout simplement gâchée.
J’ose espérer que cette lettre et toutes les autres que vous avez déjà reçues et que vous recevrez bientôt vous feront changer d’avis. J’appuie ainsi les demandes de l’équipe du Clacson qui réclame des travaux pérennisant l’activité de concerts telle que le lieu la menait jusqu'à maintenant, la poursuite des résidences d’artistes et musiciens, la poursuite également des répétitions en salle et, enfin, l’abandon pur et simple de ce limiteur bloqué sur 97 dB – au passage dois-je réellement vous rappeler qu’au contraire la législation du spectacle définit le plafond maximum à 105 dB ? 105dB voilà un niveau bien plus adéquat et nécessaire à des musiques électriques et à l’esthétique marquée.
Copie est faite de ce courrier au Clacson – contact[at]clacson.fr – de même qu’il sera mis en ligne sur mon propre blog – http://666rpm.blogspot.com – dont je vous conseille éventuellement la lecture : celle-ci ne pourra qu’ouvrir vos horizons et élargir votre façon de voir.
Je vous laisse là-dessus, Monsieur le Maire.