Exceptions faites des deux premiers albums de Neurosis qui n’ont strictement rien à voir avec la suite des évènements – que ce soit qualitativement que stylistiquement – Sovereign est, du côté des fans et des aficionados, le disque le plus mal aimé de toute la discographie pourtant bien remplie du groupe. Initialement publié en 2000, première référence du tout nouveau Neurot recordings, cet EP de quatre titres (cinq pour la présente édition) est en effet considéré comme un rebus de chutes de studio de Time Of Grace, monstrueux album paru juste un an auparavant. Techniquement tout cela est on ne peut plus vrai : les titres de Sovereign ont effectivement été enregistrés (de mains de maître) par Steve Albini lors des mêmes sessions que Time Of Grace.
Mais il est temps de remettre ce mini album – quarante minutes de musique tout de même – à sa très juste place, c'est-à-dire celle d’un disque qui définit l’aspect le plus atmosphérique du courant post hard core, une brèche dans laquelle vont s’engouffrer nombre de suiveurs les années suivantes, avec plus ou moins de réussite. Car Neurosis est le seul inventeur du genre et ce à plus d’un titre. Si avec Sovereign on est très loin de la lourdeur malsaine et plombée des géniaux Soul At Zero et Enemy Of The Sun, le groupe en n’a pourtant pas fini avec les innovations. Moins spectaculaire c’est vrai que Time Of Grace, ne serait parce qu’il débute par un Prayer plus poussif que d’habitude (mais très loin d’être mauvais comme on l’a trop souvent dit ou écrit ailleurs), Sovereign dévoile un Neurosis que faute de mieux on qualifiera de plus expérimental mais tout aussi épique que précédemment. On note le passage avec percussions tribales qui était alors le gimmick obligé de tout nouvel enregistrement de Neurosis mais aussi la présence renforcée de nappes électroniques ainsi que l’utilisation de cordes et celle – très réussie – d’instruments à vent sur le morceau-titre.
L’édition 2011 de Sovereign présente peu voire pas de différence de mix et de masterisation par rapport aux éditions précédentes. Par contre le packaging a été quelque peu refondu, un élégant fourreau ayant été rajouté et le livret ayant été repensé. En guise de bonus un cinquième titre a été rajouté mais il ne s’agit pas réellement d’un inédit, puisqu’il figurerait déjà sur l’édition japonaise originale du disque. Ce Misgiven purement instrumental et très dub-indus est d’ailleurs fort dispensable, ne dépassant pas le stade de l’anecdotique avec son instrumentation répétitive, saturée de basses lourdes et très marquée par l’électronique. Mais c’est une façon assez confortable de terminer l’écoute d’un EP beaucoup plus rigoureux et exigent que sa réputation le laisse croire d’ordinaire.
[cette chronique, très légèrement remaniée, est également disponible dans les pages du n° 7 de (new) Noise, en kiosque depuis quelques jours et que vous allez vous empresser de lire puisque aujourd’hui c’est dimanche et que le dimanche on s’emmerde]