Brutal Truth qui se reforme, donne des concerts, participe à une compilation (This Comp Kills Fascists en 2008), sort un excellent nouvel album – Evolution Through Revolution en 2009 –, réédite à tour de bras toutes ses anciennes références, y compris quelques bootlegs et autres singles parfois très alléchants, et Brutal Truth qui continue de plus belle en publiant à l’automne 2011 son cinquième album*, End Time : le gang de Kevin Sharp et de Dan Lilker n’a jamais fait semblant, il ne s’est pas reformé pour la gloriole, la thune, les putes et la coke. End Time est là pour nous le prouver et il y parvient haut la main.
Dans un genre musical aussi strictement paramétré et balisé que le grind core on est bien obligés d’admettre que ce sont les groupes vétérans qui arrivent le mieux à éveiller notre intérêt, encore et toujours. Le genre, justement, est-il donc sclérosé ? Oui, mais pas forcément plus qu’ailleurs : disons que le phénomène est encore plus flagrant avec le grind (et toute forme de metal extrême) parce qu’il répond à tellement de codes et d’ostentation formelle qu’il peut difficilement en être autrement. Les fans apprécieront. Les autres iront se faire foutre.
Pourtant End Time pose quelques questions. Toujours dans ce cadre étriqué – certains auraient dit « limité » – Brutal Truth arrive encore à surprendre. Comment ? Evolution Through Revolution avait eu à subir quelques critiques de la part de grincheux ayatollahs le jugeant trop linéaire et trop monolithique. End Time c’est un peu tout l’inverse de son illustre prédécesseur. On y retrouve les cavalcades grind, les explosions hard core et les blast beats à la chaine typiques du groupe mais ce nouvel album de Brutal Truth comporte également nombre de titres ralentis, alambiqués, du chaos rampant – l’excellence hystérique d’un Celebratory Gunfire –, des jeux sur les cassures, du bordel industriel parfois, et ce n’est donc pas un hasard si End Time débute par un Malice reptilien et malsain, annonçant en quelque sorte la couleur d’une partie de ce qui va suivre. A cet égard End Time n’est pas non plus – et toutes proportions gardées – sans rappeler l’album Need To Control (1994) qui lui-même déconcertait avec un magistral Collapse placé en ouverture.
Sur End Time Brutal Truth s’amuse plus que jamais même si d’une certaine façon l’heure de la fin de la récréation a sonné : on ne trouvera pas ici de reprise des Minutemen et le ton est résolument plus sombre, torturé et malade que sur Evolution Through Revolution qui passerait presque en comparaison pour un disque de punk. Le vinyle se termine sur un excellent et pesant Drink Up alors que la version CD inclut en guise d’asservissement final un Control Room d’un quart d’heure, répétitif, claustrophobe et bourré d’irruptions de fiel nauséeux. Pour une fois les acheteurs de CD auront peut être eu raison et les plus malins se seront eux procuré cette version « deluxe » limitée à 500 exemplaires et incluant également six titres supplémentaires dont cinq reprises parfois anecdotiques (Napalm Death, D.R.I., N.Y.C Mayhem (?), S.O.B. et Discharge), et une version différente du titre Swift And Violent. Certains de ces bonus figurent également dans l’édition japonaise de End Time et dénaturent – on aura compris en lisant la liste des groupes repris que tout ceci va droit au but, sans fioriture ni embarras – quelque peu l’esprit général de l’album. La version deluxe comprend également six cartes postales (avec des visuels que l’on retrouve déjà dans le livret de base…) et parait-il que la pochette cartonnée contenant le CD en lui-même a été parfumée à la beuh.
* Kill Trend Suicide est un mini album, OK ?