Pour être vraiment honnête, je n’avais absolument aucune envie de me rendre au Sonic en ce lundi 31 octobre pour voir une nouvelle fois Sightings* en concert. Autant j’ai toujours aimé les disques des new-yorkais – disques oscillant entre le très bon et l’excellent il faut bien le dire, y compris en ce qui concerne le petit dernier Future Accidents dont on reparlera je l’espère très bientôt – autant le groupe s’est toujours montré décevant sur scène, souvent complètement incapable de réactiver la masse sonore et nauséeuse qu’il avait su générer sur ses disques les plus radicaux (Absolutes, Arrived In Gold ou End Times) comme tout comme Sightings n’avait rien pu faire de palpitant avec l’aspect plus mélodique d’un Through The Panama, son album de 2007 qui avait fait découvrir le trio au plus grand nombre.
Donc, disons-le tout de suite, si -1 n’avait pas fait la première partie de Sightings ce soir là au Sonic, je serais tranquillement resté à la maison à regarder un film débile illégalement téléchargé sur internet tout en buvant la gnôle de contrebande du grand père et sniffant de la colombienne pure à 95 %**. Mais il n’en fut pas ainsi.
La réussite d’un concert cela tient à vraiment peu de choses – et sûrement pas à toutes ces conneries de lightshows démesurés, de costumes de scène et de scénographies pour gens qui s’emmerdent – mais surtout ce peu de choses, et bien, on ne sait jamais vraiment ce que c’est. Ce soir les trois new-yorkais ont le même air lugubre que d’habitude, avant le concert ils errent dans le Sonic encore vide comme des âmes en peine, ils font un peu la gueule et se tiennent à l’écart et rien ne peut laisser présager de ce qui va se passer pour la suite.
La suite c’est trois musiciens certes froids et distants mais impliqués, sûrs de leur fait, maitrisant leur musique – et, croyez-moi, ce n’est pas un mince exploit tellement celle-ci est un chaos grouillant, explosif et de tous les instants –, trois musiciens qui vont donner au public une bonne raclée/leçon de musique bruitiste. Je n’ai pas dit noise rock car on peut toujours chercher dans les compositions de Sightings cette sacro-sainte formalisation vieille comme le monde et relevant du schéma couplet/refrain/break/solo/etc. : la musique des new-yorkais c’est tout le contraire, un magma gluant et incessant, qui pue de la gueule, quelque chose comme du vomi sonore que l’on vous forcerait à ravaler de force, des mécanismes compliqués jusqu’à la démence et semblant jouer les uns contre les autres mais plongeant tous dans le même abîme.
Quelle surprise puis quel plaisir d’assister enfin à un bon concert de Sightings – il n’y a pas grand-chose de plus frustrant que d’aimer la musique d’un groupe et de ne pas la retrouver en concert, même partiellement, même différemment. Le trio, à la limite du sadisme chirurgical, aura tout tenté pour nous faire passer un sale mauvais quart d’heure – merci à eux.
Mais revenons-en à -1. -1, voilà un drôle de nom pour un groupe, lequel est un duo composé à ma gauche de Franck Gaffer (guitare/batterie/boucles/bidouilles) et à ma droite de Damien Grange (voix/manipulations/bidouilles/basse). L’autre caractéristique de -1 – en dehors de réunir deux des musiciens locaux parmi les plus inventifs et les plus doués du moment – c’est de ne jouer qu’une seule fois par an. Aux dernières nouvelles il semblerait bien que pour l’année 2011 ce subtil processus calendaire soit un peu perturbé mais, en attendant, ce lundi 31 octobre était un jour à marquer d’une pierre blanche.
Sur le moment j’ai soupçonné -1 d’avoir plus ou moins prévu un concert collant davantage avec l’esprit de la tête d’affiche – les deux musiciens me diront après que non, que tout n’était pas prémédité dans ce sens là – un peu comme Franck Gaffer aka Sheik Anorak s’adapte parfois lorsqu’il joue en solo. C’est que, tout en appréciant beaucoup ce que je découvre alors, je ne reconnais pas vraiment ce que j’avais déjà entendu (il y a une petite éternité) comme musique venant de la part du duo. Plus vraiment axé sur les répétitions et l’hypnotique, le premier long morceau joué par -1 était d’une veine bien plus bruitiste, noise, tribale et presque indus, Damien délaissant presque complètement sa basse pour se concentrer sur la voix – sa grande spécialité – et des interventions sonores percutantes tandis que Franck alternait parties noise à la guitare, boucles et batterie. Toujours aussi captivant, -1, semble être un projet aux conséquences sans fin et aux idées toujours en marche. Je ne vais pas m’en plaindre et vivement le prochain concert.
* j’aurais bien mis en lien le myspace du groupe mais cet outil internet parait désormais tellement désuet voire obsolète… le facebook de Sightings c’est ici que ça se passe, sinon il y a toujours ça
* j’aurais bien mis en lien le myspace du groupe mais cet outil internet parait désormais tellement désuet voire obsolète… le facebook de Sightings c’est ici que ça se passe, sinon il y a toujours ça
** je plaisante bien sûr, car le petit personnel de 666rpm est strictement straight edge et se fait évidemment un devoir de détester le cinéma