mardi 16 octobre 2012

Thee Oh Sees / Putrifiers II




J’ai vraiment eu très peur. Car j’ai bien cru que l’année 2012 allait entièrement s’écouler sans que je sois obligé de chroniquer un nouvel enregistrement de Thee Oh Sees. Et puis Putrifiers II est arrivé. Un nouvel EP de dix titres (!). Avec John Dwyer dans le rôle du vengeur masqué. D’ailleurs il se raconte que l’intéressé a presque tout fait sur Putrifiers II : la guitare et le chant (évidemment) mais aussi la basse, la batterie, l’orgue, etc. et que la longue liste de musiciens – membres permanents de Thee Oh Sees ou simples guests – fournie au dos du disque n’est là que pour donner le change (mis à part pour les voix). On s’en fout.
Sauf que John Dwyer qui s’occuperait de tout à la maison est aussi synonyme de crainte et de défiance : va-t-on devoir se coltiner un disque de folk lo-fi comme à l’époque où Johnny le cow-boy solitaire enregistrait encore sous le nom de The OCS ? Heureusement le premier titre Wax Face rassure immédiatement en imposant le genre de garage punk 60’s dont Thee Oh Sees est coutumier. Une musique tirée du passé (même pas celui de ton grand frère, demande plutôt à ton père et à ta mère ce qu’ils en pensent) mais jouée avec ce même esprit de pedzouille qui force le respect. Dwyer est un type affreusement sincère et lui jeter la pierre serait malvenu maintenant qu’il a enfin trouvé un groupe et une formule musicale lui apportant un brin de reconnaissance – même si se replonger dans le passé musical du bonhomme revient tout simplement à constater que John Dwyer pouvait auparavant être aussi méchant que dangereux.
Putrifiers II n’est pourtant pas exempt de surprises car nombre de titres y flirtent avec une pop tendrement sucrée ou même montée en meringue (So Nice et ses violonades dissonantes, Will We Be Scared ?, Goodnight Baby et Wicked Park). Des surprises que viennent démentir des titres tels que Lupine Dominus ou Flood’s New Light accompagné lui d’éternels pa papapapa papapapa (etc.) et de handclaps pour filles à jupettes plissées. Ce genre de titres enjoués qui donnent envie de glisser quelques gouttes d’acide dans le milkshake de sa copine avant de l’abandonner à moitié nue sur le bas-côté de la route pour lui faire croire le lendemain qu’elle a été abusée par des extra-terrestres. D’un tempo lent Putrifiers II en début de seconde face est logiquement le meilleur titre du disque bien qu’il n’échappe pas une nouvelle fois à l’exercice de style. Il serait donc temps d’admettre que John Dwyer et Thee Oh Sees tiennent peut-être du génie mais que ce génie là est le même que celui qui animait les Cramps autrefois : un mélange d’aptitudes de marchand de sable, de conservateur de musée, d’entomologiste fétichiste et de strip-teaseur du dimanche. Un tout petit génie, donc.

Putrifiers II a été publié en vinyle par In The Red records. Sa pochette est la plus grande réussite du disque : au recto elle est découpée d’un rond qui laisse apparaitre une tête de hippie momifié, imprimée elle sur la pochette intérieure et se superposant donc à l’artwork original, formant ainsi un chien à tête humaine ; au verso c’est une forme de cercueil que l’on découvre et dont la découpe offre à voir la photo d’un homme à tête de chien. John tu as décidemment de drôles de fantasmes…