Si l’inventivité était une condition sine qua non
et suffisante de la beauté, on pourrait affirmer que Nek,
le premier véritable album d’IRèNE, est un petit
chef d’œuvre de distinction et de grandeur. Seulement voilà, les quatre
musiciens d’IRèNE ne se contentent pas de mettre leur imagination débordante et
leur virtuosité certaine au service d’une musique aussi palpitante que saisissante ;
ils utilisent également et à bon escient ces quelques armes dont beaucoup de
musiciens de jazz ont trop souvent dédaigné l’usage et nié la pertinence tandis
que les postulants au rock de stade tentent eux mais en vain d’en estomper les effets au
profit d’une supposée rigueur, source de reconnaissance: l’énergie, la
puissance, l’électricité… Ainsi Nek
n’est pas qu’un disque qui puise une partie non négligeable de son inspiration ou
tire ses racines dans le (free) jazz, l’improvisation, la freeture – appelez
cela comme vous le voulez – et même parfois dans la musique contemporaine, Nek est surtout et avant tout un disque
d’une vivacité et d’une générosité folle. La beauté sans condition, donc.
Car voilà également un disque finalement
extrêmement varié, démarrant comme une tornade avec Bien Sûr, poursuivant sa lancée avec Sextet, un titre vraiment formidable avec son caractère de vieille
horloge cliquetant au clair de lune ; un disque flirtant régulièrement
avec le chaos, l’arythmie, le fracas de la guitare, les manipulations sonores
(qui ne sont pas là que pour faire joli ou pour faire genre), la puissance
mélodique mais aussi avec l’émotion (S
et Choral, réellement poignants et
définitivement superbes), la finesse, l’humour voire la drôlerie et qui, tout
au long de ses onze compositions, arrive toujours à viser juste et surtout à
nous toucher. On pourrait ainsi parler de pertinence musicale seulement voilà –
encore une fois ! – IRèNE joue au contraire une musique impertinente,
presque irrévérencieuse à certains moments, mais une musique qui également sait
toujours retrouver la voie qui mène de la tradition (ce qui a pu être fait
avant) vers ce que le groupe souhaite réellement, sa musique à lui, celle qui
lui vient du ventre et qui, magiquement, s’accorde avec sa tête.
Nek est
alors la démonstration, pleine d’humilité mais sûre d’elle-même, que l’on peut
jouer une musique aussi magnifiquement imagée et très exigeante au niveau de
l’écoute que totalement immédiate et inconditionnelle. Le secret de la spontanéité
de Nek réside aussi sûrement dans la
prise de son de Lucas Garnier, un garçon dont on a déjà pu apprécier la qualité du
travail sur les récents albums de Lunatics Toys ou de Kouma ; un sens de
l’ampleur électrique certain mais jamais au détriment des détails les plus insignifiants
au départ mais finalement d’importance. Là aussi, tout est question d’équilibre
et donc de clairvoyance.
IRèNe c’est, par ordre alphabétique :
Sébastien Brun à la batterie, Julien Desprez à la guitare, Yoann Durant aux
saxophones alto et soprano et Clément Edouard au sax alto et à l’électronique. Nek est publié en CD digipak par Carton records et le Collectif Coax.
Enfin, pour les lyonnais, sachez qu’IRèNE fêtera
la sortie de Nek au Périscope ce
jeudi 25 octobre.