Magda Mayas
est une pianiste basée à Berlin et travaillant énormément sur les textures en
utilisant non conventionnellement son instrument, souvent préparé. On connait
un peu mieux Christine
Abdelnour – que le petit reporter de 666rpm a déjà vue et entendue deux fois en concert –, saxophoniste alto basée
elle à Paris et ayant également une approche très texturelle de son instrument,
privilégiant les vibrations aux notes, le rendu à la narration. Paru chez Unsounds (le label du guitariste/improvisateur Andy Moor
de The Ex, du compositeur Yannis Kyriakides et de la photographe/graphiste
Isabelle Vigier), Myriad est au moins
le deuxième disque marquant la collaboration entre Magda Mayas et Christine
Abdelnour – Teeming a précédemment
été publié en 2010 sur le label suédois Olof Bright. Une collaboration qui sur
le papier sonne comme une évidence et qui à l’écoute de Myriad s’impose encore plus.
Tintinnabulements, petites vibrations, frôlements, craquements, claquements, bruits de bouche, résonnances lointaines, échos
distordus, notes tronquées : la palette des deux musiciennes est aussi
vaste que multiple et convoque une poésie du son à base d’un doux bruitisme
pointilliste et semblable à une variation infinie de couleurs changeantes et presque
facétieuses. « Myriade » est un mot grec désignant littéralement le
chiffre 10 000, c’est également un mot qui pourrait évoquer un ciel
nocturne étoilé ou – mieux encore – les bruits de la nuit d’origine inconnue et
que l’on écoute fasciné du fond de son lit. Des bruits auxquels on peut donner la signification que l’on veut – c’est pour cette
raison que parfois la nuit peut faire autant peur – mais qui ici incitent à une rêverie
éveillée parcourue de purs moments de grâce (comme, aux alentours de la
quinzième minute de la première pièce Hybrid,
ce foisonnement léger et coloré qui évoque des chants d’oiseaux).
Aussi ce n’est finalement pas le côté obscur de la nuit
qu’évoque Myriad mais bien tout ce
qui relève de la lumière, de la clarté, de l’air et de toutes ces matières
impalpables mais mystérieusement tangibles qui participent aux rêves. Myriad n’est ainsi pas un cheminement –
le disque ne raconte aucune histoire – mais une déambulation où chaque son est
aussi important que chaque silence et où chaque élément est relié par un
système invisible et dont seules les deux musiciennes possèdent la clef. En
espérant qu’elles l’aient perdue depuis cet enregistrement car en matière de
musique il n’y a rien de plus beau que les mystères insolubles (et on ne doute pas non plus qu’elles retrouveront un jour une autre façon de parvenir à de nouveaux territoires, rêvés ou non).