On ne va pas se laisser abattre… Vendredi soir,
direction le Périscope pour
découvrir enfin sur scène la musique de Polymorphie. Le bouche à oreille a bien
fonctionné car un public nombreux a répondu à l’appel, certains venant
même ici pour la toute première fois et découvrant donc par la même occasion
une salle qu’ils ne connaissaient pas du tout alors qu’elle est l’une des plus
agréables de Lyon et agglomération dans sa catégorie et que sa programmation
recèle toujours de bonnes surprises*.
Je suis donc le premier surpris de ne pas me
retrouver isolé au milieu de vingt pelés et habitués du lieu et je ne peux que
me réjouir que pour fêter la parution de son premier et magnifique album Voix – puisque c’est de cela dont il
s’agit ce soir – Polymorphie bénéficie réellement d’une audience à la hauteur
de l’évènement.
En attendant c’est Friday qui monte en premier sur
scène. FRIDAY est un très
jeune quartet de jazz composé d’un saxophoniste (ténor), d’un violoncelliste, d’un
contrebassiste et d’un batteur. Et quand je dis jeune il s’agit réellement de
cela, j’ai vraiment l’impression d’être en face d’une bande de gamins –
j’apprendrai un peu plus tard que le contrebassiste n’à que 19 ans.
Je ne dis absolument pas cela pour trouver des
circonstances atténuantes au groupe parce que Friday n’en a pas réellement
besoin. Certes on a bien décelé au début une certaine nervosité chez certains de
ses membres ; on peut aussi regretter ce groove un rien pépère et trop
systématique sur la plupart des titres interprétés. Mais Friday est une
formation plus que prometteuse, elle a donc l’avantage de sa jeunesse et on
gage que son jazz entre free et be-bop dynamique – mon voisin de droite qui s’y
connait pas qu’un peu m’a alors soufflé que Friday lui faisait penser au son de
Chicago à la Ken Vandermark et effectivement il y a de ça – a déjà nombre de
qualités requises pour devenir une nouvelle valeur sûre. Et mention spéciale à
ce contrebassiste réellement impressionnant et tirant littéralement Friday vers
le haut.
C’est ensuite le tour de POLYMORPHIE.
Ils sont vraiment nombreux sur scène : deux saxophonistes (dont un qui
bidouille parfois derrière son ordi), deux trompettistes (avec également l’un
des deux au clavier), un guitariste (baryton), un batteur et une
narratrice/chanteuse. Comme son nom l’indique l’album Voix tourne autour du « chant » et de textes – empruntés à d’autres et
magnifiquement réarrangés en musique – et le bon goût consistait précisément à
ce que sur scène cette voix n’occupe pas physiquement la position centrale,
forcément au détriment des autres instruments.
En se positionnant sur le côté tout à gauche, la
chanteuse/narratrice de Polymorphie rentre à la fois dans le rang des
instruments (puisque sa voix est très souvent utilisée comme tel) tout en
provoquant la nécessité de l’appel lorsque les mots qu’elle utilise doivent
prendre le dessus. On a ainsi l’impression que Polymorphie fonctionne en
plusieurs blocs – les saxophonistes ; les trompettistes ;
l’électronique ; le power trio (saxophone baryton, guitare baryton et batterie,
en fait le line-up au complet de Kouma**) – qui donc s’articulent les uns avec
les autres, se mélangent aussi et la voix sert réellement de lien et de fil
conducteur entre tous ces blocs.
Pour ce concert et présentation de l’album oblige,
Polymorphie a joué l’intégralité de Voix
dans l’ordre et bien sûr avec quelques adaptations et changements pour la
scène. Dès les premiers instants on est profondément touché par l’utilisation du texte, par cette voix dont la
présence possède quelque chose d’indéfinissable, à la fois de très affirmé, de
convaincu et à la fois en suspens, lorsque on chante naïvement de manière de
plus en plus libérée parce qu’on se croit seul(e) et isolé(e), au milieu de
nulle part – un peu comme au milieu d’une forêt : personne ne devrait nous
entendre et pourtant…
… Pourtant tout autour pousse des arbres qui
renvoient l’écho de cette voix. Et lorsque celle-ci rencontre un amas de
roches, une rivière ou un ravin le choc vire au sublime : la musique de
Polymorphie est aussi charnelle que fracassante, elle doit beaucoup au jazz/free
jazz (évidemment) mais aussi au rock (parfois même à tendance dure/noise) et c’est toujours
l’expressivité qui est mise en avant – on a remarqué les quelques interventions
lumineuses d’un trompettiste plutôt facétieux mais on a eu droit également à de
magnifiques solos de saxophone.
Polymorphie c’est donc le plaisir évident de sept
musiciens qui jouent une musique très charpentée mais qui laisse toujours la
place à la spontanéité, à la vitalité et à l’échange. Ce groupe émouvant et
exaltant ne se contente donc pas d’avoir enregistré l’un des disques les
plus passionnants de l’année, il est également capable de faire vivre sa musique sur
scène comme jamais.
[quelques photos des gamins et des polymorphes à voir ici]
* pioché au hasard dans la programmation à
venir du Périscope :
- les 11, 12 et 13 octobre : le Gaffer Fest (Yowie, Marteau Rouge, Staer,
The Pitch,Will Guthrie, etc.)
- le 25 octobre : IRèNE pour le release party
de son premier album Nek et Gilles
Poizat
- le 16 novembre : Shield Your Eyes, La Terre
Tremble !!! et les multirécidivistes de Torticoli