Les Blacklisters ont vu rouge. Leur tout premier
album, dont la parution était en théorie prévue pour le 24 avril 2012, a
finalement vu le jour plus de cinq mois après, tout ça par la faute d’un
presseur de disques menant en bateau le label du groupe, Brew (Kong,
Castrovalva, etc.), lequel a du changer son fusil d’épaule, trouver un autre
prestataire pour assurer la sortie du disque et la retarder ainsi d’autant.
Monde de merde.
Je ne sais pas pourquoi les Blacklisters détestent
aussi les voyelles – ils orthographient leur nom BLKLSTRS, reprenant à leur compte
mais en moins drôle l’idée des américains de Stnnng – ni pourquoi ils font donc
une telle fixette sur la couleur rouge : c’est la couleur qui domine l’artwork*
du disque (recto, verso et insert) et c’est également la couleur de ce vinyle
transparent. Y a t-il des daltoniens dans le groupe ? Ont-ils peur que
l’on ne comprenne pas vraiment qu’ils veulent exprimer une forme plutôt aboutie
de colère musicale connue des amateurs sous l’appellation de noise rock ?
En tous les cas ils aiment les chiens qui ressemblent à rien (pas les chiens de
race) et qui vous regardent d’un air interrogatif à la limite de l’attendrissement.
Pourtant, des questions les Blacklisters ne s’en posent
pas plus que ça et d’attendrissement il n’en sera non plus jamais question ici puisque
la musique de ce groupe originaire de Leeds – quand on vous dit qu’il y a un
réel renouveau des groupes à guitares du côté de la Grande Bretagne – va droit
au but et force aisément le passage grâce à une noise calibrée et efficace qui
satisfera largement les fans de Jesus Lizard et du Chicago sound et fera
hausser de dédain les épaules de tous les autres. De la rage saignante à
souhaits (ROUGE, on vous a dit) et si Blacklisters a parfois un peu de mal à
s’affranchir des schémas de la bande à Yow et Denison, on saluera la constante
mise sous pression d’une musique jouée comme il se doit, avec fureur, conviction
et un sens aiguisé de la découpe manuelle de sensations aussi enivrantes que l’amour
de la transpiration collective et la défonce auditive par tous les trous. De
bons artisans, de bons bouchers bien rougeauds et un humour à couper au couteau
et qui fait souvent mouche (avec des titres aussi poétiques que Ask Yourself A Question If The Answer Is Go
Fuck Yourself). Et encore un groupe que l’on aimerait bien découvrir en
concert…
* il y a quand même un mug Simply Red planqué sur
cette photo de couverture… il y a aussi un exemplaire d’une bédé
de Charles Burns et un cendrier contenant un bout de barbaque d’origine
douteuse