Le Guimo est un petit animal à poils doux et soyeux
qui se shoote allègrement à la fleur de lotus. Un peu comme le koala austral qui
se gave lui de feuilles d’eucalyptus et en profite pour dormir des heures
durant et laisse filer des journées entières dans l’indolence la plus complète
et surtout la plus confortable. GUIMO
c’est aussi et surtout un groupe de Bordeaux démarré il y a des années, ayant
connu des incarnations assez diverses pour finalement se retrouver réduit à sa
plus simple expression : Guillaume Hermon à la voix, aux textes et à
l’harmonica et Philippe Rey – ancien guitariste des défunts Sincabeza – à la guitare
et à plein d’autres choses encore.
L’évocation de Sincabeza ne doit cependant pas
vous mettre sur la mauvaise voie : autant le regretté trio de math rock
bordelais était expert
en double croches, en syncopes, en mesures bancales ou en contretemps,
autant Guimo fait l’éloge d’une lenteur lumineuse, crépusculaire et poétique, à
mille lieues de toute frénésie, de tout vandalisme auditif et de tout passage
en force. La seule constante entre les deux projets c’est l’élégance. Et la
beauté. Si on insiste quelque peu sur les parallèles (humains) entre les deux
groupes c’est tout simplement parce que Guimo et Sincabeza ont une longue
histoire commune, au moins depuis 2003 et que cette histoire a abouti à cet
album, Lotophage, publié au début de
l’été 2012 en complète autoproduction.
Lotophage
tourne donc autour des textes, textes à côté desquels il serait extrêmement
difficile de passer puisqu’ils sont en français. Il n’en a pas toujours été
ainsi car fut un temps Guimo s’exprimait dans la langue maternelle du
rock’n’roll mais voilà, on l’a déjà expliqué un peu plus haut, Guimo n’est pas
intéressé par le côté tranchant et/ou abrupt dans la musique mais privilégie
une forme de tension toute autre, contemplative certes, extrêmement prenante,
envoutante parfois (le sublime La Chose
Petite) mais qui ne laisse jamais le sens des mots prendre totalement le dessus.
Souvent les textes s’avèrent peu intelligibles ou
même sujet à interprétation car cette voix/chant parlé louvoie entre murmures
distillés entre chien et loup, marmonnements intimistes et berceuses enfumées,
sorte de confidences que l’on comprend justement à demi-mot : l’important
ce n’est pas uniquement ce qui doit être dit mais la façon dont tout est dit ;
comme lorsqu’on vous vous retrouvez serré entre des bras et que l’émotion passe
également au travers de ce contact physique aussi simple qu’universel. Cela ne
signifie pas que les textes de Lotophage
ne sont qu’une suite de mots ou de phrases en forme de formules magiques
servant à ouvrir des boites à secrets ; les textes sont bel et bien là
mais on apprécie plus que tout cette façon sublimement délicate et raffinée de
les lâcher dans la nature sans en faire des panneaux publicitaires à émotions.
La musique est à l’unisson de cette voix – fine,
évanescente, minimaliste – et s’encombre de peu d’effets voire de peu de notes.
Tout juste note-t-on sur Arbore la
présence d’une contrebasse et d’une batterie jouées elles aussi par d’autres
anciens membres de Sincabeza. Lotophage
est ainsi d’une beauté simple et intime qui vous prend doucement mais fermement
par surprise. Merci…