jeudi 18 octobre 2012

Report : Gaffer Fest 2012, deuxième jour




Vendredi 12 octobre : retour au Périscope pour le deuxième soir du Gaffer Fest. Un soir dont la programmation était sur le papier légèrement en deçà de celles des autres jours, disons moins intéressante. Pourtant, découvrir sur scène des groupes que l’on ne connait pas ou dont on n’a jamais entendu vraiment parler fait parti des grands plaisirs de la vie mais cela ne fonctionne pas non plus à tous les coups.
Et visiblement, pour ce deuxième jour de concerts un peu plus en demi-teinte, il n’y aura pas de miracle. Les deux découvertes potentielles du jour se sont révélées décevantes. Mais rien de grave non plus…




Premier groupe de la soirée, BOLIDE est un quintet pratiquant l’improvisation bricolée pure et dure et dans le plus complet respect de la tradition britannique du genre. Ces anglais – donc – sont volontairement exubérants et loufoques, doivent bien aimer l’alcool de thym nîmois, la tisane de psylos, les formules magiques de la maison Sandoz et ils lorgnent du côté d’un AMM (les maîtres anglais et même mondiaux du genre impro libre et totale) qui aurait engagé John Cleese pour faire la pom-pom girl en bas résilles et escarpins vernis sur le devant de la scène.
Bon. L’impro à la va comme je te pousse ça fonctionne très bien ou alors ça ne fonctionne pas du tout… Dans le cas de ce concert de Bolide ce fut assez exceptionnellement un entre-deux : le groupe n’a pas joué assez longtemps pour éreinter les foules mais il n’a pas non plus provoqué l’hilarité générale. J’étais pourtant plein de bonnes dispositions à l’égard de cette bande d’olibrius que je reverrais toutefois avec plaisir parce que je suis sûr que Bolide peut faire des merveilles dans le domaine du dérapage incontrôlé.




WILL GUTHRIE installe ensuite sa batterie au sol, juste devant la scène. Pour celles et ceux qui douteraient de l’intérêt des solos de batterie en concert (ou ailleurs) je les renvoie directement à l’écouter intensive et obligatoire de l’album Sticks, Stones and Breaking Bones paru cette année chez Gaffer records (entre autres). Tous les autres, y compris ceux qui ont déjà eu la chance de voir Will Guthrie en concert, que ce soit en solo ou bien en compagnie du génial trio The Ames Room, ils savent déjà depuis longtemps.
Car nul besoin d’effet de surprise pour apprécier la performance/prestation du batteur, tout simplement parce qu’il ne nous en laisse pas le temps. OK, vous trouverez toujours dans le public un musicien averti ou un exégète ronchon pour vous décortiquer la nature profonde des rythmes enchainés par Will Guthrie mais à quoi bon ? Procédant par glissement et micro-cassures ce batteur insuffle une ronde infernale aboutissant, effort répétitif aidant, à un sentiment d’abstraction éliminant tout effet pervers de virtuosité pour s’élever du côté de l’irréalité. De la poésie qui cogne et qui frappe.




Autre découverte possible de la soirée aux côtés de Bolide, LA PIRAMIDE DI SANGUE est un groupe italien de six personnes jouant un rock très psychédélique mais – hélas ! – également très grandiloquent. On aurait pu passer un bon moment mais le fait est que toutes les compositions du groupe se ressemblent, suivent le même schéma et aboutissent au même résultat, celui d’un ennui poli mais définitif.
Tous les efforts des musiciens n’y feront rien, La Piramide Di Sangue s’effondre invariablement dans un fracas de plastique extrudé et aux milieux des ruines encore fumantes il restera ce son de clarinette difficilement supportable et responsable pour une grande part de ce désamour profond.




De la clarinette il y en a également dans la musique de THE PITCH. J’avais malencontreusement raté la précédente venue de ce groupe comprenant dans ces rangs l’ex batteur des éternellement regrettés MoHa!... Pourtant l’album Transposition Zero qui date déjà de 2010 est une petite merveille de musique mouvante et idéalement contemplative. Le concert donné au Gaffer Fest a totalement été dans la continuité de ce disque (lui aussi enregistré en live).
Difficile à décrire, on pense pourtant souvent à Morton Feldman à propos de The Pitch mais un Morton Feldman sans l’importance prépondérante des silences ni le recours à l’aléatoire, un Feldman coulant voire liquide et qui aurait imaginé une musique de flux et de reflux. Les musiciens tiennent les notes mais ne semblent pourtant jamais s’éterniser. Souvent on a même l’impression qu’un mouvement musical débuté par l’un des quatre musiciens se poursuit avec l’intervention d’un deuxième et que c’est un troisième qui termine le cycle avant de le relancer.
La musique de The Pitch évoque ainsi une partie de ricochets de galets dont les ronds concentriques dans l’eau finissent par se croiser, s’influencer et se métamorphoser en un incessant recommencement. Dommage seulement que ce concert ne fut pas un peu plus long, il faut dire également que The Pitch a cette étrange faculté de distordre le temps et de le compresser en un instant de grâce fulgurante et intemporelle.

[encore des photos-souvenirs]