The Seer
est déjà le deuxième album des SWANS post reformation. Mais que l’on ne se
méprenne pas : les Swans c’est avant toute chose le groupe de Michael Gira
accompagné d’une poignée de musiciens, un Michael Gira ayant composé
l’écrasante majorité des titres de The
Seer et produisant l’album de A à Z. Les autres ne font que lui obéir au
doigt et à l’œil. On se rappelle ici d’un concert fin novembre/début décembre
2010 pendant lequel Gira dirigeait son petit monde avec toute la rigidité
plénipotentiaire d’un dictateur éclairé et à la limite du ridicule, suscitant
alors comme un vague mais légitime sentiment de rejet. Mais si ce spectacle décourageant
avait pu être parfois gênant en concert, on ne retrouve pas tout à fait cet
impact désagréable sur les nouveaux
enregistrements studio bien que l’on reste persuadé que si Michael Gira avait
laissé un peu plus de latitude à ses musiciens The Seer aurait pu être nettement meilleur. On pense évidemment au
guitariste Norman Westberg – membre historique des Swans et cofondateur du
groupe – mais aussi à Phil Puleo, ex-batteur percussionniste des géniaux Cop
Shoot Cop. Sur The Seer chacun est à
sa place, une place assignée par Gira, mais en même temps tout le monde semble
sous-exploité. Ce qui est valable pour Westberg et Puleo l’est aussi pour
Christopher Pravdica (excellent bassiste), Thor Harris (pecussions en tous
genres) et Christoph Hahn (lapsteel).
La direction artistique empruntée par The Seer est donc la suivante :
longueur, longueur, longueur. The Seer
est ainsi un triple album vinyle, un double CD et il culmine à plus de deux
heures pour onze titres seulement. L’album est irrémédiablement difficile parce
qu’indigeste. Il n’est alors pas interdit de l’écouter dans l’ordre que l’on
souhaite ou par petits bouts – à noter que les tracklistings de la version CD
et de la version LP diffèrent sensiblement, modifiant la perception que l’on
peut avoir du disque. Quoi qu’il en soit The
Seer reste et restera un disque difficile à s’approprier. Une masse
grouillante et extrêmement dense d’où émergent les obsessions musicales
habituelles de Gira. Seule l’affligeante (et pour une fois très courte) balade
folk Song For A Warrior avec Karen
Lee Orzolek des Yeah Yeah Yeahs invitée au chant fait complètement tâche au
milieu d’un disque qui synthétise tout ou partie de l’histoire musicale des
Swans.
On sent même que les Swans version 2012 ont mis un
point d’honneur à en rajouter toujours tant et plus ; toujours plus de
sauvagerie dark, toujours plus de grandiloquence, toujours plus de lourdeur,
toujours plus de lyrisme, toujours plus de complaisance messianique. Les Swans
restent donc les Swans et c’est la seule bonne et unique nouvelle d’un disque
qui comblera les fans indéboulonnables du groupe et toujours persuadés que
Michael Gira est un génie (et assurément il lui arrive d’en être un). Mais The Seer est un disque tellement
obscurantiste (et non pas obscur) qu’il en devient laborieux. Parfois très
beau, parfois très fort et souvent très émotionnellement violent mais aussi pénible
à la longue et vraiment trop nombriliste. Le nombrilisme : le propre des
dictateurs comme des génies…
The Seer
est publié en version triple 12’ et double CD par Young God records. Une version CD
limitée et autographiée par Michael Gira inclut un DVD de concerts filmés
pendant la tournée 2010 du groupe – mais si on veut avoir un véritable souvenir
de cette tournée on préférera et de loin l’excellent double CD live We Rose From Your Bed With The Sun In OurHead…