mercredi 27 mars 2013

The Men / New Moon




On ne va pas éternellement casser du sucre sur le dos de THE MEN, ce gentil groupe de punk-rockers bien lisses qui ont en plus l’audace de publier leurs disques sur Sacred Bones, le label hype (de Brooklyn) par excellence. Non, on va même dire du bien de ce New Moon, quatrième album du groupe en quatre ans, alors que de nouveaux imprécateurs – secte dont le chroniqueur de 666rpm a déjà fait partie dans le passé – s’apprêtent, j’en suis sûr, à jeter l’opprobre sur New Moon bien qu’ils aient précédemment adulé Leave Home et Open Your Heart. Ici, on va faire très exactement le contraire : on a été déçus par Leave Home puis on a vraiment détesté Open Your Heart ; mais on clame haut et fort que ce New Moon est un bien meilleur disque, un bon album même, à l’exact opposé c’est vrai du petit chef d’œuvre Immaculada et si on avait l’esprit suffisamment mal tourné et surtout l’esprit de contradiction à outrances, on en rajouterait volontiers une couche supplémentaire avec une jubilation non feinte. Mais ce n’est vraiment pas le genre de la maison, non.
Gardons donc la tête froide pour parler de New Moon. Pour enregistrer ce disque le groupe a quitté son centre-ville chéri et gagné la verdure de la campagne. Il fallait donc s’y attendre, énormément d’autres groupes l’ont fait avant The Men, les new-yorkais en ont évidemment profité pour inclure de la musique de bouseux dans leur punk de garçons coiffeurs, appelons ça le syndrome Creedance Clearwater Revival. Oui il y a des relents fortement country ici, à commencer par le titre d’ouverture Open The Door dont les paroles parlent confusément de « countryside » et dont la musique évoque littéralement les Byrds en pleine période ma chérie d’amour fait du rodéo. L’ombre d’un certain chanteur canadien rode également sur New Moon, un chanteur que l’on déteste pourtant tout particulièrement ici (y compris et surtout lorsqu’il annone de sa voix de fausset que le rock’n’roll ne mourra jamais) or, justement, le chant (partagé) chez The Men est à la fois maladroit et patatesque mais jamais irritant : les bleuettes néo-campagnardes de The Men gardent ainsi une certaine fraicheur, surtout lorsqu’elles se payent le luxe d’une accélération finale un peu plus punk (I Saw Her Face)
The Men ne renoncent pourtant pas à toute véhémence : en ouverture de face B The Brass est un titre stoogien en diable (même le solo de guitare y est supportable) puis le single Electric en rajoute une couche question accélération du rythme cardiaque alors que I See No One fait lui penser à du Gun Club. Cette seconde face est nettement plus urbaine que la première, on oublie un peu la campagne, même si cette deuxième face comporte la plus belle chanson country/folk du disque, un Bird Song rehaussé au piano électrique et que l’on croirait avoir été composé par Bob Dylan à la fin des années 60.
Sur New Moon The Men laissent donc définitivement tomber les vapeurs shoegaze et les extravagances noisy, sans doute enfin conscients qu’il ne leur servait à rien de courir derrière la réussite alchimique d’Immaculada, leur meilleur album à ce jour. Au contraire, en s’exilant temporairement à la campagne et en prenant le taureau par les cornes, The Men ont fait ce qu’il fallait, c'est-à-dire muter et changer partiellement de peau pour enregistrer un album mâtiné de country folk un peu lo-fi sur les bords tout en gardant le côté punk rawk 70’s : en toute fin de disque, le très réverbéré Supermoon dont le but ultime est sûrement d’être l’une des pièces maitresse de New Moon, a lui aussi piqué son riff principal au vieux groupe zombifié d’Iggy Pop.

[New Moon  est publié en CD et en vinyle par Sacred Bones records]