On ne va pas éternellement casser du sucre sur le
dos de THE MEN, ce gentil
groupe de punk-rockers bien lisses qui ont en plus l’audace de publier leurs
disques sur Sacred Bones, le label hype (de Brooklyn) par excellence. Non, on
va même dire du bien de ce New Moon,
quatrième album du groupe en quatre ans, alors que de nouveaux imprécateurs –
secte dont le chroniqueur de 666rpm a déjà fait partie dans le passé –
s’apprêtent, j’en suis sûr, à jeter l’opprobre sur New Moon bien qu’ils aient précédemment adulé Leave Home et Open Your Heart.
Ici, on va faire très exactement le contraire : on a été déçus par Leave Home puis on a vraiment détesté Open Your Heart ; mais on clame
haut et fort que ce New Moon est un
bien meilleur disque, un bon album même, à l’exact opposé c’est vrai du petit
chef d’œuvre Immaculada et si on
avait l’esprit suffisamment mal tourné et surtout l’esprit de contradiction à
outrances, on en rajouterait volontiers une couche supplémentaire avec une
jubilation non feinte. Mais ce n’est vraiment pas le genre de la maison, non.
Gardons donc la tête froide pour parler de New Moon. Pour enregistrer ce disque le
groupe a quitté son centre-ville chéri et gagné la verdure de la campagne. Il
fallait donc s’y attendre, énormément d’autres groupes l’ont fait avant The
Men, les new-yorkais en ont évidemment profité pour inclure de la musique de
bouseux dans leur punk de garçons coiffeurs, appelons ça le syndrome Creedance Clearwater Revival. Oui il y a des relents fortement country ici, à commencer par le
titre d’ouverture Open The Door dont
les paroles parlent confusément de « countryside » et dont la musique
évoque littéralement les Byrds en pleine période ma chérie d’amour fait du
rodéo. L’ombre d’un certain chanteur canadien rode également sur New Moon, un chanteur que l’on déteste
pourtant tout particulièrement ici (y compris et surtout lorsqu’il annone de sa
voix de fausset que le rock’n’roll ne mourra jamais) or, justement, le chant
(partagé) chez The Men est à la fois maladroit et patatesque mais jamais
irritant : les bleuettes néo-campagnardes de The Men gardent ainsi une
certaine fraicheur, surtout lorsqu’elles se payent le luxe d’une accélération
finale un peu plus punk (I Saw Her Face)
The Men ne renoncent pourtant pas à toute
véhémence : en ouverture de face B The
Brass est un titre stoogien en diable (même le solo de guitare y est
supportable) puis le single Electric en rajoute une couche
question accélération du rythme cardiaque alors que I See No One fait lui penser à du Gun Club. Cette seconde face est nettement
plus urbaine que la première, on oublie un peu la campagne, même si cette
deuxième face comporte la plus belle chanson country/folk du disque, un Bird Song rehaussé au piano électrique
et que l’on croirait avoir été composé par Bob Dylan à la fin des années 60.
Sur New Moon
The Men laissent donc définitivement tomber les vapeurs shoegaze et les
extravagances noisy, sans doute enfin conscients qu’il ne leur servait à rien
de courir derrière la réussite alchimique d’Immaculada,
leur meilleur album à ce jour. Au contraire, en s’exilant temporairement à la
campagne et en prenant le taureau par les cornes, The Men ont fait ce qu’il
fallait, c'est-à-dire muter et changer partiellement de peau pour enregistrer
un album mâtiné de country folk un peu lo-fi sur les bords tout en gardant le
côté punk rawk 70’s : en toute fin de disque, le très réverbéré Supermoon dont le but ultime est
sûrement d’être l’une des pièces maitresse de New Moon, a lui aussi piqué son riff principal au vieux groupe
zombifié d’Iggy Pop.
[New Moon est publié en CD et en vinyle par Sacred Bones records]