jeudi 14 mars 2013

Gay Witch Abortion / Opportunistic Smokescreen Behaviour




GAY WITCH ABORTION, le retour. A tout bien y réfléchir mais pas trop longtemps non plus, le duo de Minneapolis aura surtout effectué de beaux débuts fracassants (dans une certaine mesure le tout premier album Maverick* et surtout, par dessus tout même, le 10’ Halo Of Flies Sessions enregistré en formation trio avec Tom ‘Amphetamine Reptile’ Hazelmeyer à la basse) pour se vautrer ensuite plus ou moins lamentablement dans l’arty (le livre-disque cosigné Gay Witch Abortion with Junko Mizuno) ou le pathétique (les deux titres présents sur la compilation A Butcher's Waltz). Mais ce n’est peut-être pas une raison suffisante pour tirer un trait sur un groupe dont la musique part presque toujours de bonnes intentions mais dont le résultat final peut dangereusement flirter avec la maladresse voire l’inconsistance.
Gay Witch Abortion a publié fin 2012 un nouvel album intitulé Opportunistic Smokescreen Behaviour, oui un véritable album avec un titre incompréhensible et cette fois le groupe est à nouveau un duo : uniquement le guitariste/chanteur et le batteur, Shawn Walker et Jesse Bottomley… Pas la moindre trace ici d’un quelconque Tom Hazelmeyer si ce n’est que le vilain barbu a quelque chose à voir avec l’artwork assez génial du disque (mais ça, on s’en serait douté). Retour donc à la même formule que celle de Maverick qui était un album un peu bancal, avec des vrais moments de bravoure déraisonnable et des moments un peu en creux.
Bancal, Opportunistic Smokescreen Behaviour l’est également mais ce nouvel album est pas très loin d’être ce que Gay Witch Abortion a enregistré de mieux tout au long de sa courte carrière – et en fait on a fini par estimer que Halo Of Flies Sessions, hommage vibrant, crasseux et efficace aux 90’s noise, ne comptait pas vraiment, hors catégorie en quelque sorte. Là où le groupe peut désarçonner l’amateur moyen de déflagrations musicales c’est précisément en ne choisissant pas systématiquement l’option du rentre dedans et du bourre-pif. Parfois même Gay Witch Abortion semble s’égarer un peu, trop de drogues peut-être, mais, en dépit de légers froncements de sourcil, on ne peut pas dire non plus que l’on s’ennuie. Non. Disons plutôt que l’on attend, un rien amusé, la ruade suivante, le plan rockab’ pétomane ou psyché-noise qui fera bien rigoler, la cavalcade matheuse en mode dérapage incontrôlé – toutes choses qui finissent forcément par arriver mais pas forcément de la façon ni au moment que l’on croit.
En clair Opportunistic Smokescreen Behaviour est un disque du genre imprévisible, brouillon mais bruyant, et qui emporte l’adhésion parce Gay Witch Abortion – et c’est devenu très rare pour un groupe qui fait un peu de bruit avec des guitares, appelez cela de la noise si vous le voulez – se fout bien des genres, ne se conforme pas à la réglementation et aux codes en vigueur et dégage un sentiment de liberté assez peu commun. Jouer une musique qui en théorie dépend de tellement d’histoire musicale et d’un héritage que d’autres considéreraient trop lourd à porter mais au final s’en foutre et jouer quand même, comme des punks.
Seule réserve, encore une fois, le chant qui est un peu faiblard ; mais cette fois-ci le préposé au micro a semble-t-il pris conscience de ses faiblesses puisqu’il en joue aisément et avec beaucoup d’humour (par exemple lorsqu’il prend des airs de vieux rocker noyé sous une tonne de réverb) et, de toute façon, le chant n’est pas majoritaire sur Opportunistic Smokescreen Behaviour, loin de là même. Et il n’empêche que malgré ces défauts on aime de plus en plus ce disque – mieux : on finit par l’aimer aussi pour ses défauts tout simplement parce qu’ils sont la marque d’un groupe à la sincérité évidente. Et ça, ça fait vraiment du bien.

[Opportunistic Smokescreen Behaviour est publié en vinyle – pochette gatefold, vinyle orange et coupon mp3 pour les branleurs – par Learning Curve records]

* on peut écouter Maverick sur la page bandcamp de Gay Witch Abortion mais pour l’instant Opportunistic Smokescreen Behaviour lui n’y est pas