Il y n’y a que deux points communs entre Ensemble
Pearl et Nazoranai mais on va quand même passer pas là pour expliquer le
pourquoi de cette chronique double et lapidaire : voilà deux « super
groupes » c'est-à-dire des groupes dont les line-ups respectifs alignent
quelques célébrités de la musique expérimentale/dark/metal/etc. et – plus
précisément – on compte Stephen O’Malley comme membre de chacun d’eux. La
moitié de Sunn O))) comme fil conducteur ça vous parait un peu juste comme
argument ? Et bien non. On veut juste illustrer par là qu’un musicien, aussi
doué soit-il, peut aussi se fourvoyer à l’occasion.
Et on parlera effectivement de gros plantage à
propos du premier album sans titre d’ENSEMBLE PEARL publié par Drag City (un double
LP officiellement dans les bacs à partir du 19 mars). Lâchons tout de suite la liste
de noms qui va bien : Ensemble Pearl est donc la réunion de O’Malley (Sunn
O))), KTL, Lotus Eaters, Khanate, Burning Witch, etc.), d’Atsuo (batteur de
Boris), de Michio Kurihara (Ghost) et de William Herzog (The Sweet Hereafter,
le backing band de Jessie Sykes) ; ajoutons que sur un ou deux titres
apparaissent également Eyvind Kang et Timba Harris (entre autres des affreux
Secret Chiefs 3).
Cet album, gavé de bonnes intentions et
d’expérimentations proprettes est l’archétype du disque paresseux et qui
s’étire mollement, distillant du drone binoclard et de l’américana post Earth
(le groupe de Dylan Carlson bien sûr) par boudins en paquets de
douze. On peut un temps être séduits par Ghost
Parade – on le sera à nouveau, vers la fin du disque, par Giant – mais dès Painting On A Corpse on ne peut que lever les yeux au ciel,
attendant peut-être qu’il en tombe quelque chose. Mais il ne se passe rien, mis
à part la démonstration qu’un « super groupe » est trop souvent
synonyme de fausse bonne idée. A oublier.
Le cas de NAZORANAI est nettement plus
intéressant. Le principal défaut (?) de なぞらない
est qu’il donne à entendre un trio de remplacement : Nazoranai est en
effet la réunion de Keiji Haino (guitare/chant/saturation), Oren Ambarchi
(batterie) et de Stephen O’Malley (à la basse) c'est-à-dire que ce dernier
vient suppléer à Jim O’Rourke – on rappellera le dernier enregistrement en date
du trio initial, le très électrique Imikuzushi
–, un Jim O’Rourke qui semble-t-il a abandonné la partie parce qu’il s’est
définitivement installé au Japon pour y vivre et que depuis il refuse d’en
sortir, même pour donner des concerts, ce qui peut être un inconvénient majeur
lorsqu’on est un musicien de renommée internationale*.
なぞらない
reprend donc les choses là où Imikuzushi les avaient laissées, réactivant
le power trio sauce Keiji Haino et réveillant les fantômes de Fushitsusha, y
compris dans leur formulation la plus atmosphérique et la plus inquiétante mais
aussi la plus blues et psychédélique : rien de réellement neuf mais un motif de
satisfaction évident pour les nombreux fans d’Haino qui n’en est plus à son
coup d’essai en matière de réanimation/bouche-à-bouche thermonucléaire (plus
précisément, il n’en est pas à sa première réincarnation du trio électrique
post Fushitsusha, on se souvient par exemple de Purple Trap, groupe fondé avec
Bill Laswell à la basse et Rashied Ali à la batterie). Dans le genre なぞらない est un excellent disque,
mais dans le genre seulement c'est-à-dire pour les fans avertis du monsieur (なぞらない a été publié en CD et
double vinyle par les Editions Mego).
* breaking news : le label Black Truffle annonce un nouvel
album (live ?) du trio Keiji Haino/Jim O’Rourke/Oren Ambarchi à paraitre
le 30 avril…