Honeys :
PISSED JEANS en est déjà à
son quatrième album. Et pour un groupe de noise rock, cela commence à faire
beaucoup même si on ne peut pas reprocher à un tel groupe de ne pas se
renouveler puisque, déjà au départ, Pissed Jeans ne fait que jouer une musique
complètement anachronique, d’une autre époque, d’un autre temps. Ce qui
différencie tout simplement les bons groupes de noise (noise rock, noise punk, noise
hardcore, etc.) des moins bons – ou plus simplement des mauvais – c’est la
faculté à réinventer la même musique dans tout ce qu’elle a de plus hargneux,
de plus sale, de plus vicieux. Point barre. Tout le reste n’est
qu’élucubrations d’enculeurs de mouches.
Honeys
ne sera ni une nouveauté, à moins de débarquer d’une autre planète que celle joyeusement
infestée par les noiseux bloqués sur les années 90, ni une confirmation,
puisque ces mêmes noiseux connaissent déjà par cœur les trois premiers albums
de Pissed Jeans : Shallow en
2005 chez Parts Unknown, l’incroyable Hope
For Men en 2007 (Sub Pop) et le génial King Of Jeans en 2009 (toujours chez
Sub Pop) – et on vous épargnera donc la liste des quelques singles du groupe
publiés depuis ses débuts.
Alors les Pissed Jeans réussissent-ils avec Honeys à entretenir la flamme et à tout
brûler sur leur passage ? Oui, bien sûr. Les doigts dans le nez, même.
Seulement on peut aussi penser que Honeys
est moins bon que l’insurpassable King Of
Jeans qui question défouraillage de tripes renvoie dans les cordes à peu
près tous les disques des dix dernières années boxant dans la même catégorie.
Cela n’empêche pas Honeys d’être un
bon disque mais pour être franc on le trouve parfois trop direct – plus punk
que noise, comme sur Cat House – et
surtout un peu moins fou, un peu moins épais et un peu moins intense. Bien sûr
ce disque comprend des titres qui me feront mentir : le très vicieux Male Gaze ou le magnifique titre
d’ouverture, Bathroom Laughter, qui, s’il avait
été publié en 7’, aurait sans aucun doute possible été élu single de l’année (d’ailleurs
les Pissed Jeans ont toujours su mettre
en exergue de leurs albums des titres de cette trempe, rappelez-vous de False
Jesii Part 2 en ouverture de King
Of Jeans).
Et puis,
dire qu’un titre tel que Loubs est un rien lourdaud et pas très inspiré
n’est que chipotage mais on le dit quand-même, tout comme on pense qu’Honeys
a tendance à s’essouffler sur toute sa fin… Ce qui n’empêche pas du tout ce
quatrième album d’être de tout premier plan, de première catégorie, de première
importance (rayez les mentions inutiles), un album qui finira, comme ses deux
prédécesseurs avant lui, au rang des meilleures choses de cette année 2013.
Honeys est publié par Sub Pop : il existe
une version CD digipak et une version LP qui permet d’admirer en beaucoup plus
grand un artwork pas loin d’être atroce. Les plus chanceux auront évidemment gaulé
auprès du label la « loser edition » – 1250 exemplaires – c'est-à-dire
Honeys gravé dans un vinyle de
couleur indéfinissable (on va dire orange filandreux, un peu la même couleur qu’un
gratin de courges raté parce qu’il a fait de l’eau au lieu de s’épaissir
mollement) et agrémenté d’un 7’ bonus comprenant cinq titres de la première
démo de Pissed Jeans (2003).