Il va falloir que je m’y fasse : direction le
centre ville et même le bas des pentes de la Croix Rousse pour un concert dans
la cave carrelée et un peu pourrie du Trokson. Un concert organisé par Decibels For Us qui a adroitement
contourné la politique de concerts gratuits instaurée depuis quelques mois par
le lieu – les groupes étant censés être payés grâce à la majoration des prix
des consommations au bar – en réclamant à chacun un prix libre. OK je donne ce
que je veux et je le donne de bon cœur car au contraire la pratique des hausses
tarifaires a plutôt tendance à me transformer en vilain dromadaire straight-edge
et on ne m’enlèvera pas non plus de l’idée qu’un prix à payer à l’entrée d’un
concert sera toujours beaucoup plus équitable pour les groupes qui jouent.
Les groupes en question sont The Rodeo Idiot
Engine (du Pays Basque) et Le Dead Projet (de Paris). Une bonne petite soirée
hardcore qui défouraille. Et une certaine impatience de découvrir les parisiens
en concert – pour être honnête je n’aurais jamais cru que cela soit un jour
possible – mêlée à la curiosité de découvrir également The Rodeo Idiot Engine
dont les échos très positifs des concerts fracassants résonnent depuis longtemps
à mes oreilles de vieux blasé.
Mais en attendant il y a une première partie, non
indiquée sur l’affiche
très soignée du concert : Belladonne est semble t-il un groupe local
encore un peu jeune mais avec plein de bonnes idées et de volonté. Du hardcore
bien gras avec nombre de passages en force à la double pédale. Cela ne
fonctionne pas toujours très bien, il y a quelques pains mais dans l’ensemble
Belladonne est une bonne façon de commencer la soirée.
Ces deux garçons sont même totalement fair-play
puisque à la fin de leur set ils demanderont à leurs copains venus pour les
soutenir de rester pour les groupes d’après. Merci jeunes gens.
Les mauvaises langues affirment que The Rodeo Idiot Engine a
piqué l’idée de son light show après avoir croisé les petits gars de Burne en
concert. Il est vrai qu’il y a des points
communs mais The Rodeo Idiot Engine c’est carrément le niveau supérieur
question étalage de lumières et d’effets en tous genres : deux méchants spots
rouges placés de chaque côté de la scène, des guirlandes électriques surdimensionnées
qui clignotent à volonté, des stroboscopes qui niquent les yeux et des fumigènes
en veux-tu en voilà. La grosse artillerie et une ambiance apocalyptique vraiment
idéale pour prendre des photos
approximatives voire totalement pourries.
Mais une ambiance qui colle parfaitement avec la
musique de The Rodeo Idiot Engine, c'est-à-dire un hardcore ultra speedé et
ultra chaotique quelque part entre ces désormais groupes de vieux que sont Botch
ou Dillinger Escape Plan (le seul et le vrai Dillinger Escape Plan, celui des
premiers disques). Originalité zéro mais effet maximum tant ces cinq garçons
s’en donnent à cœur joie, bondissent en tous sens, prennent la pose – je crois
qu’il y avait systématiquement un guitariste jouant avec un pied posé sur la
grosse caisse de la batterie – et avec un hurleur au chant certes extrêmement
monotone mais bien hargneux et colérique. De la même façon la musique changeait
de plan toute les deux mesures et demie mais n’oubliait jamais d’insuffler son
quota de vice et de violence. Absolument parfait dans le genre.
Mais le groupe que je suis venu voir c’est Le Dead Projet. Devant la scène ont été
installés trois micro – un pour le bassiste qui assure également le chant lead
et les deux autres pour chaque guitariste – ce qui confirme la place
déterminante et centrale du chant au sein du groupe, complètement à l’opposé
justement de The Rodeo Idiot Engine où le chant n’est qu’un élément chaotique
parmi tous les autres.
Pourtant la musique du Dead Projet n’en est pas
moins tendue et violente. Elle use assurément de plus de finesse, joue moins
sur le côté athlétique mais finalement est également complètement barrée.
L’option mélodique est seulement presque toujours mise en avant, comme une
profession de foi. Les titres de Keep On Living défilent, on entend
cette hargne si particulière qui fait que Le Dead Projet est l’un des groupes
de hardcore les plus singuliers du moment mais pas réellement reconnu à sa
juste valeur. Même les passages avec chœurs de hooligans en rut et qui
m’avaient un peu refroidi sur disque passent très bien. Il n’y a rien de mieux
qu’un concert pour apprécier la musique d’un groupe de la trempe du Dead
Projet.
Malheureusement ce concert a été un peu court, la
politique du Trokson vis-à-vis de son voisinage immédiat exigeant un arrêt du
son à minuit, ce qui se comprend parfaitement si le lieu veut perdurer (déjà
que les endroits où on peut assister à des concerts DIY se font rares en ce
moment sur Lyon). Comme d’habitude je suis parti comme un voleur, prenant juste
le temps d’acquérir le LP Fools Will Crush The Crown de The
Rodeo Idiot Engine et publié il y a presque une année chez Throatruiner
records, le label des gorges profondes. On parlera peut-être de ce disque ici
dans les semaines à venir. En ce qui concerne Keep On Living du Dead Projet, c’est déjà fait mais je ne peux qu’à
nouveau vous inciter à l’écouter sur la page bandcamp du groupe.