Thomas Bonvalet est L’Ocelle Mare a lui tout seul. Et on
se demande comment il fait. L’ancien guitariste de Cheval De Frise – deux
disques et demi au compteur, des enregistrements aussi essentiels
qu’inclassables – est sans aucun doute l’un des rares voire même le seul
exemple actuel de musicien dont la musique ne ressemble pas à une autre, n’est
ni une redite ni un hommage et surtout pas une énième posture postmoderne
teintée d’ironie et de second degré. De l’inqualifiable, de l’étrange, du
mystérieux, de l’exaltant, du magique, de la beauté brute et d’incroyables
sensations.
Thomas Bonvalet est donc L’Ocelle Mare et L’Ocelle
Mare c’est Thomas Bonvalet. Une entité, une pierre brute mais précieuse, un
diamant non taillé ni façonné à l’image quelconque de ce qui chérissable :
L’Ocelle Mare est largement au-delà de l’attendu, de l’établi et du mesurable.
Cependant affirmer que L’Ocelle Mare ne doit rien
à personne ni à aucune musique est sans doute faux. Si on interrogeait Thomas
Bonvalet il nous en dirait peut-être davantage mais voilà, on ne veut pas
savoir. Et on ose même penser qu’en guise de repères musicaux et historiques le
musicien solitaire nous parlerait plutôt des paysages qu’il redécouvre chaque
matin lorsqu’il ouvre les volets de sa maison, du livre qu’il est peut être en
train de lire, de la dernière odeur qu’il a sentie et qui lui a étrangement
picoté le nez, du bruit que font ses pas lorsqu’il marche sur quelque sentier
et que les pierres se mettent à rouler sans prévenir ou de la dernière
conversation qu’il a eu avec un ami.
Serpentement,
le nouvel album de L’Ocelle Mare, échappe ainsi et plus que jamais aux discours
et aux analyses. Une musique dans laquelle on s’immerge et qui nous envahit.
Une musique pourtant difficile, faite de crissements, de frottements, de
cassures, de stridences, de bourdonnements et de chocs d’origine inconnue. On
pourrait perdre son temps à tenter de décrypter ce langage secret et mystérieux
mais qui nous parle tant, on pourrait noter dans un coin de nos mémoires qu’à
tel moment on entend un bandonéon, le tic-tac d’un métronome, un bourdonnement
électrique, la réverbération naturelle d’un vieux temple protestant mais on ne
le fait pas. C’est tout juste si on remarque que les instruments à cordes –
banjo ou guitare acoustique – avec lesquels Thomas Bonvalet est non seulement
familier mais surtout dont il est un expert de longue date sont volontairement
sous-employés ici.
Le choc procuré par cette musique est définitivement
brutal mais vivifiant. Non… vivifiant est un mot bien trop limité. Serpentement est seulement une histoire
de vie et de vérité. Et c’est déjà beaucoup.
Serpentement
est le quatrième album de L’Ocelle Mare. Il est publié conjointement par
Souterrains-refuges – le propre label de Thomas Bonvalet – et Murailles Music.