lundi 23 avril 2012

Report : IRèNE au Périscope - 20/04/2012


Faire des listes serait le symptôme d’un dérèglement névrotique certain, un peu le même qui consiste à collectionner inutilement des disques. J’ai donc scrupuleusement fait la liste de tous les concerts que j’ai ratés pendant une semaine pour une (mauvaise) raison ou pour une autre (bonne, évidemment) : Papier Tigre le vendredi 13 à l’Epicerie Moderne, Ned et Flipper au même endroit le 14, à nouveau Papier Tigre mais au Kraspek le 15, Chelsea Wolfe au Sonic le 16, And Also The Trees (mais oui !) le 17 et toujours au Sonic et enfin The Feeling Of Love le 18 au Trokson. Sacrée liste, sacrée lose.
Alors je devrais peut-être arrêter d’affirmer qu’il ne se passe jamais rien dans cette ville. Mais non, je vais insister au contraire encore un peu : avec la mise en sommeil de Grrrnd Zero et les incertitudes planant sur l’avenir du Sonic, l’offre de concerts DIY, à la marge ou hors catégories se raréfie dangereusement. Le Périscope est l’un des derniers endroits qui ne ressemble pas à un mouchoir de poche ni à une usine et qui accueille en plus de sa programmation propre des concerts à mon sens intéressants. Dans les semaines à venir on notera la venue de Microfilm le 24 mai (c’est un concert Active Disorder) ainsi que celle de Katawumpus le 30 juin et on reparlera dès que possible de la programmation du prochain festival Expérience(s). Mais les premiers noms qui sont tombés pour ce rendez-vous annuel organisé par l’équipe du Périscope font carrément envie*. 




Aussi il était presque hors de question que je rate ce concert d’IRèNE. Le quartet, habitué du Périscope, vient tout juste de terminer l’enregistrement de son premier véritable album, un album qui devrait être publié en octobre prochain sur Carton records – tout comme le premier EP du groupe. Il était déjà très bien ce premier EP d’IRèNE. Mais après avoir enfin revu le groupe en concert et entendu pleins de ses nouveaux titres, l’impatience d’écouter la suite des enregistrements de cet excellent groupe n’a fait qu’augmenter. L’attente risque de paraître très longue.
Au sein d’IRèNE on retrouve une sacrée brochette de musiciens, Yoann Durant au saxophone soprano et alto (et aussi un peu au tuyau d’aspirateur), Julien Desprez à la guitare électrique, Clément Edouard à la bidouille électronique ainsi qu’au saxophone alto et, pour finir, Sébastien Brun à la batterie. IRèNE regroupe ainsi des personnalités dont on apprécie par ailleurs la musique avec d’autres formations tels que les Lunatic Toys, Loup, OK, DDJ, Q, Kandinsky (R.I.P.) alors autant affirmer que ce quartet est en quelque sorte la crème de la crème d’une « scène » oscillant entre modernité free jazz et actualité électrique. Or IRèNE est peut être le groupe le plus surprenant de tous**.




Le titre d’ouverture du concert a montré un groupe au sein duquel les musiciens se répondaient en une sorte de ping-pong nerveux et sec (mais vraiment très drôle) s’amplifiant de plus en plus tout en tirant vers une abstraction aussi irréelle que comique. Une idée très simple – et une mise en œuvre qui par contre ne doit pas l’être – pour un résultat génialement décalé en ce sens qu’il incorpore de l’humain dans les rouages d’une machine imaginaire.
En écoutant IRèNE en concert je me faisais alors l’effet de regarder un de ces films muets et en noir et blanc, ceux que je préfère : une reproduction forcément imparfaite parce qu’incomplète d’une certaine réalité mais en même temps une telle abnégation et une telle inventivité dans les moyens employés que cette reproduction/représentation en devient criante de vérité et de pertinence.
IRèNE réussit à insuffler tellement de fraicheur et d’immédiateté dans une musique qui pourtant sur le papier pourrait se montrer tellement cérébrale et calculée. Pour être un peu plus exact, cérébrale et calculée, cette musique l’est très certainement, mais elle est également d’une inventivité, d’une drôlerie, d’une beauté et d’une puissance qui la rendent à nulle autre pareille. IRèNE ne joue jamais en force mais pourtant assaisonne sec – on ne dira jamais combien Julien Desprez et sa guitare peuvent tenir la dragée haute à nombre de noiseurs patentés –, IRèNE n’est pas un groupe de free jazz mais jouit d’une liberté constante et débridée, IRèNE n’est pas un groupe de musique contemporaine mais transcende les règles de l’abstraction sonore vers toujours plus de poésie. La générosité ne sert réellement que lorsqu’on a quelque chose à dire, c’est qui est bien le cas d’IRèNE. Merci beaucoup pour ce beau concert.




En première partie CT4C proposait quelque chose de radicalement différent. Un vidéaste, un trompettiste (également au bugle) et un manipulateur de machines étaient sur scène devant un écran. Ma nature capricieusement conservatrice me force à plus ou moins détester tout ce qui se rapproche de près ou de loin d’un mélange entre musique électronique et jazz. En outre, puisque je suis loin d’être parfait, j’ai toujours eu un peu de mal avec la trompette.
CT4C n’est donc pas fait pour moi, même si je dois admettre que les passages bruitistes – bruits de bouche du côté de la trompette et bruits parasitaires/clics and cuts du côté des machines – ont réveillé mon intérêt. Une autre fois peut être.

* n’insistez pas, j’ai juste le droit de ne rien dévoiler
** il est vrai qu’OK et sa pop lumineuse et inventive sont aussi un cas à part