9 Pictures, comme autant de vignettes electro et ravagées. Ce deuxième enregistrement de Mistress Bomb H est très surprenant : visiblement chaque composition, ultra minimale, repose sur un nombre volontairement réduit et limité d’idées mais le résultat est toujours réussi. Ce n’était pourtant pas gagné d’avance. 9 Pictures pouvait même faire un peu peur avec trop d’intentions arty, trop d’électronique, trop de goth industriel, trop de charbon, trop de noirceur forcée… Et puis non : 9 Pictures n’a aucun mal à convaincre après quelques écoutes, malgré le côté résolument ardu, obtus et même parfois obscurantiste du propos.
Mistress Bomb H c’est donc une fille, Hélène Le
Corre de son vrai nom, qui fait tout. Elle compose, elle chante, elle assure
les instrumentations – en concert c’est Jean Feraille d’Aphasia/Revolutions Per Minute qui donne le coup de main – et surtout elle dévoile sans fard une
identité bien affirmée et bien trempée. On ne saurait finalement parler avec 9 Pictures de musique électronique au
sens strict tant ce qui vous intrigue puis vous colle c’est d’abord cette voix,
cette façon de chanter et ces textes (sur lesquels on finit par jeter un œil
pour les lire, intrigué). Il y a tout le temps du chant sur 9 Pictures, il est volontairement au
premier plan, littéralement envahissant, il est à la fois le pourquoi et
l’épine dorsal de ces neuf compositions. Un chant qui n’a rien de terriblement
lyrique et d’exalté mais qui est très incarné, avec un soupçon de maniérisme
(et d’effets sur la voix), ce qui lui permet par ailleurs de gratter avec insistance
là où ça peut éventuellement faire mal. Et même lorsque la voix passe en mode
parlé, ce qui arrive assez souvent, le résultat demeure très expressif – ce qui
peut également passer pour un exploit.
On découvre alors petit à petit ce que cette voix
a à nous dire tout en se surprenant à penser non sans une certaine délectation
que l’on se trompe peut-être et l’envoutement devient presque total. Un
envoutement qui ne serait sans doute pas possible sans la musique de Mistress
Bomb H qui bien que sciemment placée au second plan est elle aussi d’un attrait
majeur. Extrêmement minimale on l’a dit – pas plus de trois sons en même temps,
des rythmiques démembrées, des sonorités crues et rudes – la musique
électronique de Mistress Bomb H est porteuse d’un malaise fascinant. Une sorte
d’actualisation des musiques industrielles – les vraies : Throbbing
Gristle et SPK en tête de liste – malaxées au breakcore et à l’acide digital.
On en redemande.
9 Pictures
a été publié en vinyle uniquement (trois cents exemplaires) par les labels Bruits De Fond et L’Autre Idée. Les illustrations et la
sérigraphie sont l’œuvre d’EM.