vendredi 6 avril 2012

Report : Child Abuse et Staer à Buffet Froid - 02/04/2012





Même pas remis du concert de Winter Family la veille au Sonic, voilà qu’il faut déjà remettre ça, pour mon plus grand bonheur. Mais le choix est rude car le Kraspek Mysik accueille L’Ocelle Mare* tandis que Gaffer records organise un concert de Staer et Child Abuse à Buffet Froid. Deux concerts intéressants voire immanquables le même soir à Lyon, voilà qui devient plutôt rare.
Finalement le choix est vite fait car un groupe américain comme un groupe norvégien, ça fait forcément des bornes pour venir jusqu’ici et donc rien ne peut garantir que l’un et l’autre pourront revenir dans six mois, un an, deux ans… le contraire est malheureusement même plus que probable.
Et puis il y a la curiosité de découvrir Staer dont le premier LP sans titre vient de paraître chez Gaffer records. Le label reprend d’ailleurs sérieusement du poil de la bête car il vient également de publier Sicks, Stones & Breaking Bones, un album solo de Will Guthrie, et annonce pour très bientôt un nouvel album de Marteau Rouge, le deuxième album de Loup ainsi que la réédition en vinyle du Cataclysm des Flying Luttenbachers. Que du bonheur en perspective.




Je pensais que Staer allait jouer en premier mais les trois Child Abuse, extrêmement fair-play et bien élevés, ont décidé du contraire, expliquant aux trois norvégiens que c’était leur soir à eux et que donc ils méritaient de jouer en dernier, en tête d’affiche comme qui dirait. La raison étant que Staer a récupéré le jour même les exemplaires de son tout premier LP et j’imagine qu’effectivement voilà un évènement qui doit plus que compter dans la vie d’un groupe. Au final cela n’aura malgré tout pas changé grand-chose puisque Child Abuse et Staer joueront le même temps (40 minutes) car à Buffet Froid et sur la Croix Rousse en général on ne plaisante pas avec les horaires et le voisinage plutôt réfractaire à toutes formes de nuisances d’ordre musical.
Pour faire un peu vite au sujet de Child Abuse, on regrettera le côté assez mécanique et froid du trio. Ça, on ne peut pas nier que la musique du groupe de Brooklyn est franchement barrée mais à la longue elle finit également par devenir complètement prévisible à l’image de ce batteur dotée d’une magnifique moustache mais jouant systématiquement de la même façon sur tous les titres. Les deux autres membres (à gauche : synthé et voix ; à droite : basse et voix également) font les bonnes grimaces au bon moment, soignent leurs breaks et leurs effets spéciaux en foutraquerie appliquée.
Je crois que j’ai toujours un problème avec ce genre de groupes finalement plus consciencieusement méthodiques que délibérément psychopathes : il ne faut pas que ça dure trop longtemps sinon je finis par ne voir et n’entendre que les recettes et les ficelles derrière la folie supposée. Child Abuse est malheureusement moins bon en concert que ce que l’album Cut And Run pouvait laisser croire mais au moins le groupe ne tombe pas dans le piège de la performance ou de la démonstration sportive** et s’en tire avec les honneurs. En résumé : bien content d’avoir vu Child Abuse en concert mais pas certain d’y retourner la prochaine fois.




Avec une réputation lointaine mais insistante d’excellence, les norvégiens de Staer intriguent vraiment. Les trois musiciens sont limite des gamins, presque imberbes et ils ont une certaine tendance à regarder leurs pieds à force de timidité. Pourtant dès les premiers instants du concert on sait que le groupe va asséner une bonne calotte au maigre public rassemblé dans la cave de Buffet Froid désertée après le concert de Child Abuse (mais public qui reviendra au fur et à mesure, attiré par l’énergie de celui de Staer).
En particulier le batteur sert de pivot à la musique complètement instrumentale du trio. Une musique bruyante, lourde et hypnotique, procédant par vagues cycliques résonnant de plus en plus fort mais éliminant tout psychédélisme de son propos. Au contraire on peut penser à des groupes très urbains (et norvégiens eux aussi) tels que Moha! – pour le côté éventuellement concassé – mais surtout Noxagt et Ultralyd pour la pesanteur insistante doublée, oui c’est presque un exploit, d’une fluidité incandescente.
Si le bassiste a un rôle peu commun dans Staer – il est plus qu’un simple bassiste qui délivre des lignes sans s’en écarter –, le guitariste possède lui un son réellement impressionnant d’expressivité féroce et de puissance décuplée. Ainsi Staer rejoindrait presque les circonvolutions d’un Laddio Bolocko en mode mastodonte et difforme. La charge est intense et âpre mais révélatrice d’un bouillonnement qui délaisse toute frénésie facile pour se concentrer sur des déplacements massifs, précis, comme au ralenti et en forme de mouvements telluriques assourdissants. La terre tremble.

* L’ocelle Mare/Thomas Bonvallet au sujet duquel on parlera bientôt de Serpentement, son tout nouvel et extraordinaire album
** pas comme un groupe tel que The Locust qui était incroyablement pénible en concert à force de vouloir trop en faire et de se regarder lui-même dans les yeux forcément ébahis de son public chéri – un bel exemple de démagogie musicale sportive et égocentrée