Un vibrant hommage au monde parfois inquiétant et toujours
mystérieux des profondeurs océanes, un hymne à la gloire de la Grande Bleue, de
ses abimes insondables et de la vie sous-marine aussi riche qu’exaltante. Tout Vampyroteuthis, le premier LP de Tentaculos, est à
l’avenant : sur le recto de la pochette des jolis tentacules de pieuvre
sortent d’une bouche consentante, sur le verso on reconnait la gueule et le
bonnet rouge d’un capitaine écologiste de navire, explorateur et un rien
réactionnaire, un premier insert à découper et recoller soi-même permet de se fabriquer
une jolie pieuvre, un deuxième insert est en fait une page de bande dessinée
mettant en scène le même capitaine de navire évoqué ci-dessus avec des
phylactères en écriture cyrillique ou en anglais (parce que la mer appartient à
tout le monde ?) et, enfin, le disque en lui même est d’un beau vinyle
bleu transparent. Un concept qui ne serait rien sans les quelques samples qui
parcourent également Vampyroteuthis
et dont je vous livre celui qui en quelque sorte sert de climax au
disque :
« Est-ce vrai que les ventouses de tentacules
font plus de dégâts que les griffes d’un tigre ?
- Comparées aux ventouses des tentacules les
griffes de tigre ne sont rien, monsieur Turner, rien »
Ce sample, coupant en deux Turner (dernier titre de l’album, il s’agit d’un instrumental) et semble-t-il
tiré d’un film à gros budget pour enfants et préadolescents attardés, spectaculairement
débile et tournant autour d’histoires maritimes et de pirates maudits toujours
plus assoiffés de richesses, ce sample (donc) semble inversement indiquer que
nous vivons sur terre dans un monde merveilleux d’insouciance frivole et de
facilité.
Les dix titres de Vampyroteuthis – dont certains peuvent être écoutés dans des
versions plus anciennes et donc primitives sur la page bandcamp de Tentaculos – sont pourtant
d’un punk noise violent et aride. Tout ça n’est bien sûr que de la grosse
déconnade, ces quatre petits gars n’ont l’air que très raisonnablement accrocs
au Captain Igloo mais par contre ils savent comment aligner une rythmique bien remuante
et sévère avec une grosse basse et une batterie nerveuse, une guitare à
l’acidité no wave, un chant plutôt rauque lorsqu’il n’est pas passé au travers
d’un porte-voix (un chant rauque en matière de no wave et de post pounque ça
nous change grandement des voix suraigües un rien maniérées qui sévissent
habituellement dans le genre et c’est tant mieux) plus quelques interventions très
réussie et bien senties à la clarinette basse (jouée par le chanteur), ce qui
donne un côté freeture supplémentaire à la bouillabaisse punk (mais sans
rouille) de Tentaculos.
Vampyroteuthis
n’est pas un disque si facile que cela alors qu’il semble prendre les choses à
la légère et Tentaculos – décidemment, j’adore ce nom et tous ses sous-entendus
–, derrière le côté bordel joyeux/amusons-nous en attendant la mort, est un
groupe à la fois âpre et vivifiant. Une très bonne découverte, un disque à
écouter impérativement et un
groupe à aller voir en concert puisque Tentaculos y excelle en matière
d’harponnage.
Vampyroteuthis
est publié grâce aux efforts conjoints des labels Aïnu records, Oni Red Chords et Fuck A Duck auprès desquels
vous pouvez bien évidemment vous le procurer.