mercredi 4 avril 2012

Report : Cheverny, Torticoli et Conger! Conger! au Trokson - 30/03/2012




J’ai bien  cru que jamais je ne verrais les Conger! Conger! en concert à Lyon. Pas d’endroit où jouer, pas de date de disponible, rien. Ou alors il aurait fallu que j’aille jusqu’à Saint Etienne (horreur) pour enfin découvrir le groupe marseillais sur scène.
La situation locale se désagrège donc doucement mais sûrement. Dernier exemple en date les Welldone Dumboyz qui n’ont pas pu trouver de date ici et ont donc annulé leur mini-tournée parce que cela leur coutait trop cher de rallier directement Belfort à Avignon sans faire d’escale intermédiaire. Mais on peut également citer les Death To Pigs – dont l’album Live At Karachi figure en bonne place dans le top of the dope de 666rpm – qui ont du faire l’impasse sur Lyon ou les monstrueux Hey Colossus qui ont suivi le même chemin. Ce triste constat lié entre autres à la mise en sommeil forcé de Grrrnd Zero (la structure vraiment idéale pour accueillir des groupes DIY et crève-la-faim dans de bonnes conditions) c’est celui que j’exposais après le concert de Conger! Conger! à l’un des membres du groupe échoué comme moi et quelque autres dans un appartement croix-roussien pour boire deux ou trois trucs en attendant que la nuit se passe.
Parce que oui, Conger! Conger! a quand même fini par jouer à Lyon ce vendredi 30 mars et ce grâce à l’abnégation et à la ténacité de leur tour manager forcené (également directeur du label Katatak) qui depuis Marseille s’est débrouillé tout seul comme un grand pour trouver in extremis un lieu, deux premières parties et rameuter un peu de monde. Cette date lyonnaise quasiment tombée du ciel était l’avant dernière d’une tournée semble-t-il riche en bons moments. La veille Conger! Conger! était justement à Saint Etienne dans le cadre du Festival Avatarium. Le lendemain le groupe serait au Pakebot en Haute Loire, un endroit parait-il splendide où je rêve secrètement de me rendre.




Mais ne rêvons pas. L’endroit où Conger! Conger! a joué sur Lyon n’était pas non plus la solution idéale : au Trokson les concerts sont « gratuits » et les groupes sont payés grâce au prix majoré des consommations au bar. Quand il y a du monde en terrasse parce que c’est le printemps et qu’il fait bon dehors l’idée peut paraitre séduisante. Mais il n’empêche que je préfère payer un prix d’entrée, cela me semble plus juste et proposant davantage de garanties quand au défraiement des groupes. Vaste débat.
Les premiers à jouer ce soir s’appellent Cheverny et en dehors d’une référence un peu rance en matière de bande dessinée, il s’agit de la première apparition en public de ces trois garçons. On les connait pourtant déjà puisqu’on retrouve dans le line-up le batteur de Carne ainsi que deux anciens Kiruna à la basse et à la guitare ainsi qu’au chant. Que croyez-vous que ces trois là jouent comme musique ? Gagné : de la noise hardcore (ou du hardcore noise) jouée vraiment très, très, fort. Hormis le chant – pas vraiment mis en valeur non plus par un surcroit de reverb plutôt mal venue – Cheverny tourne déjà bien comme il faut, les compositions assaisonnent, les riffs éculés abondent mais donnent la trique, les lignes de basses tabassent et le batteur démontre un jeu assez différent de ce quoi il nous a habitué avec son autre groupe de viandard. Un bon concert, un bon début aussi.




Puis c’est le tour de Torticoli pour le concert semi-mensuel du trio (il y a tout juste une semaine  le groupe jouait à La Triperie en compagnie de Jean-Jean). Sauf que ce soir Torticoli joue à quatre comme cela arrive de temps à autre, c'est-à-dire qu’il y a un chanteur grimaçant sur une petite moitié des titres. Cela tombe bien, cela fait quelques concerts du groupe auquel j’assiste et pour lesquels le chanteur n’est pas présent.
Première constatation : Torticoli joue moins fort que Cheverny. Mais le groupe a un super son. Je regarde toujours avec une certaine admiration le matériel bricolé (amplis et pédales à base de cartes à puce arrachées d’un vieil Amiga 500) de l’un des deux guitaristes. Deuxième constatation : le fossé entre les titres chantés et les titres instrumentaux me semble moins important. J’ai toujours l’impression d’entendre le même groupe, quoiqu’il arrive, car guitaristes comme batteur n’hésitent pas à se lâcher même lorsqu’il y a du chant (sur les premiers titres joués puis à nouveau en fin de set). Dernière constatation : si vous en avez l’occasion ne ratez pas Torticoli lors de sa première tournée triomphale : le 5 avril au Up And Down de Montpellier, le 6 à Toulouse (Petit London), le 8 à Paris (au Rigoletto et avec Adolina, un groupe qui vient de publier un très bon disque sur A Tant Rêver Du Roi) et pour finir le 9 au CCL de Lille. Vous ne le regretterez pas.




Et voici donc Conger! Conger! dont l’album At The Corner Of The World a été l’un des plus beaux émois de l’année 2011. Il en sera de même pour ce concert vivifiant pendant lequel générosité et volubilité ont été les maitres mots. Mais ne croyez pas que Conger! Conger! est un groupe qui en fait des tonnes et surtout des mauvaises. Non, Conger! Conger! est tout simplement un groupe de grande classe. Maintenant que ses trois membres sont tranquillement rentrés chez eux à Marseille je peux bien l’avouer : voilà l’un des meilleurs groupes que j’ai vu ces derniers temps en concert.
Une intensité réelle, des compositions dont certaines sont pas loin d’être inoubliables, une interprétation un rien débridée mais toujours assurée, des accidents de parcours qui donne le ton, celui de la décontraction et de l’humour (bravo pour le plan du xylophone égaré ou pour le salto arrière derrière la batterie). Et une musique qui en concert gagne en vivacité, en vindicte mais sans tomber dans la facilité du « jouons plus fort, ça créera des sensations ».




Car, première constatation*, Conger! Conger! joue moins fort que Torticoli. Le son du groupe est bien équilibré, on entend parfaitement les subtilités du jeu de guitare comme celles de la basse (ce qui est beaucoup plus rare : d’une part que cet instrument ait parfois un rôle mélodique et d’autre part que l’on puisse l’entendre aussi bien) et au milieu la batterie claque parfaitement – alors que très étonnamment il s’agit d’une véritable batterie-jouet tout juste améliorée.
Deuxième constatation Conger! Conger! sait parfaitement digérer ses influences pour en faire quelque chose qui lui est propre. Encore une fois la marque de la sincérité mais surtout une sincérité qui touche juste. Le groupe n’a pas son pareil pour susciter l’émotion sans affaiblir toute son énergie (et inversement quand ça pulse ce n’est jamais inutilement, juste pour le plaisir de ruer dans les brancards).
Troisième et dernière constatation : voir jouer un groupe de trois mecs d’une quarantaine d’années, pères de famille et dont certains ont (au choix) des cheveux blancs, du bide et un humour ubuesque ça change vraiment de tous ces groupes de jeunes cons prétentieux qui pensent toujours – alors que nous sommes quand même en 2012 – être en train d’inventer quelque chose. Et puis c’est rassurant. Oui, moi ça me rassure. Des gens comme moi mais avec du talent. Merci pour tout.

* oui je vais beaucoup constater aujourd'hui