lundi 9 avril 2012

Lunatic Toys / Briciola





Les lyonnais de Lunatic Toys viennent de publier un deuxième album tout simplement fantastique sur Carton records : Briciola reprend les envies, les humeurs et une bonne partie des idées déjà présentes sur , le premier album du trio, mais Briciola va encore plus loin dans son esthétique généreuse, pétulante, appuyée et tendue en ajoutant à la fois une bonne dose d’aplomb et de merveilleux à une musique qui n’en manquait pas au départ. Car les Lunatic Toys sont une sorte de paradoxe vital : la musique du trio est très colorée, dynamique, joyeuse parfois, ludique éventuellement mais elle ne se dépare pas d’une tension permanente, d’une noirceur occasionnelle, d’un sérieux jamais plombant ou insupportable mais aussi d’un certain sens dramatique. Les Lunatic Toys jouent ainsi une musique très imagée qui se passe pourtant de toute structure comme de toute évidence narratives – en cela les Lunatic Toys sont bien un groupe de jazz contemporain et actuel. Mais le groupe possède également un côté pop irréfutable en ce sens qu’il allie mélodie et exigence, immédiateté et expérimentation, originalité et universalité, modernité et intemporalité.
En se diversifiant encore plus, la musique des Lunatic Toys resserre cependant son propos. Les deux axes créatifs des Lunatic Toys – donc, pour faire un peu vite : le côté ludique (toy) et le côté aliéné (lunatic) – se rejoignent souvent, quelle que soit l’optique de départ envisagée par telle ou telle composition. Ainsi un titre plutôt rapide, coloré, épicé et enjoué finit par gagner en force d’exposition et pourquoi pas en tension ; d’un autre côté un titre plutôt lent, sombre ou dramatique possède sa part de lyrisme (y compris de lyrisme un peu kitsch) qui le rend singulièrement vivant.
On sait que, même s’ils font les arrangements ensemble, les trois membres des Lunatic Toys se partagent les compositions. Alice Perret (clavier, Fender Rhodes) en propose trois, Jean Joly (batterie, percussions et bidouille) trois également et Clément Edouard (saxophone alto) en a composé cinq. Mais bien malin  qui pourrait réellement les différencier puis argumenter sur les mérites de l’une ou de l’autre – par exemples celles signées par la claviériste arrivent à présenter à elles seules la multipolarité fusionnelle à l’œuvre sur l’ensemble de Briciola, tel une sorte de manifeste de l’album entier. On a donc réellement le sentiment que chaque musicien s’est investi sur chaque aspect de la musique des Lunatic Toys.
Voilà enfin et en quelque sorte la conséquence la plus directe d’un vrai travail de groupe : alors que le cœur de cette musique s’enrichit et se charge avec succès de toujours plus de composants à la chimie parfois contradictoire ou même presque opposée, les musiciens qui composent et surtout jouent ensemble intègrent complètement ce processus magique de création. Cela semblait déjà évident lorsqu’on a pu assister à un concert récent des Lunatic Toys mais surtout ça l’est également à l’écoute de Briciola – le trio possède une identité aussi forte que singulière.