Le label parisien Music Fear Satan réédite le Nord de Year Of No Light en version double CD
et c’est une très bonne idée. Les précédentes versions – celle, initiale, chez
Radar Swarm (2006), l’édition américaine chez Crucial Blast et les magnifiques
versions double LP chez E-Vinyl et Atropine – sont épuisées depuis bien longtemps
ou vraiment pas loin de l’être.
Cette nouvelle édition présente quelques avantages
par rapport aux précédentes, avantages dont le plus flagrant est un deuxième
disque bourré jusqu’à la gueule de tous les autres enregistrements de Year Of
No Light effectués à peu près à la même époque. L’époque en question c’est
celle pendant laquelle Year Of No Light était encore composé de cinq personnes
avec surtout la présence d’un chanteur. Une époque définitivement révolue et
presque lointaine, un chapitre clôt et ce Nord
en mode « deluxe » est une façon comme une autre d’en faire le
récapitulatif presque exhaustif. On retrouve ainsi sur ce deuxième CD un titre
enregistré pour le split avec Karysun (Adoration),
un titre enregistré en collaboration avec Fear Falls Burning (The Golden Horn Of The Moon), un autre
enregistré avec Nadja (Les Mains De Nadja),
deux titres publiés sur un split avec Rosetta et East Of The Wall (Cimmera et Metanoia), la reprise de Disorder
de Joy Division initialement publiée sur le 10’ Dark 80’s, une reprise de The
Figurehead des Cure mais aussi les titres de la première démo/CDr de Year
Of No Light enregistrée et publiée en 2004. Il ne manquerait que les
enregistrements du concert que le groupe avait donné lors de l’édition 2008 du
Roadburn mais ceux-ci sont disponibles séparément en format LP + DVD sur le
label du festival.
Réécouter Nord
après bien des années est une expérience très intrigante. On l’a dit le groupe
a beaucoup changé depuis – départ du chanteur, arrivée d’un deuxième batteur,
arrivée d’un troisième guitariste et passage à une musique exclusivement
instrumentale – et Year Of No Light a surtout publié le magnifique et
monstrueux Ausserwelt en 2010
(également chez Music Fear Satan). Ausserwelt
possède d’immenses qualités et avait fini par presque nous faire oublier son
prédécesseur. Mais c’est une erreur : Nord
est également et pour toujours un bel album, sombre, rageur et tourmenté. Et
les premières notes de Sélénite (un
titre instrumental placé en ouverture de Nord)
se rappellent à notre bon souvenir et surtout nous rappellent que l’on avait
peut-être eu tord d’affirmer que le Year Of No Light de Nord n’avait rien à voir avec celui d’Ausserwelt tant Sélénite
résonne avec ce que le groupe a entrepris d’enregistrer quelques années plus
tard.
On pourrait également revenir sur l’exaltation de Nord, une exaltation alourdie et sombre
encore traversée par quelques relents d’un hardcore malsain (L’Angoisse Du Veilleur De Nuit D’Autoroute
Les Soirs D’Alarme A Accident ou Par
Economie Pendant La Crise On Eteint La Lumière Au Bout du Tunnel). On
retiendra qu’un titre tel que Traversé
fonctionne toujours aussi bien avec sa guitare tire-larmes/fouille-tripes en
mode terminal ou que le très glauque La
Bouche De Vitus Bering garde le même côté oppressant et désespéré. Nord est toujours ce disque important.
Les titres rajoutés sur le deuxième CD (et
énumérés plus haut) complètent plus que dignement le tableau. On retiendra
surtout Cimmeria et Metanoia mais on insiste une fois de
plus sur cette reprise assez démente de Disorder.
Un groupe qui arrive à reprendre du Joy Division en apportant quelque chose de
différent et de valable à la version originale est une chose vraiment rare. Year
Of No Light y est parvenu – une preuve supplémentaire que ce groupe avait des
choses à dire. Cette réédition de Nord
nous permet de les entendre à nouveau et sans aucun doute pour encore très
longtemps.