Jeudi 24 mai : retour au Périscope pour un concert programmé par les
désormais incontournables Active
Disorder. Les très attendus Microfilm sont à l’affiche et il y a déjà du
monde qui attend à l’extérieur de la salle, les jours se suivent mais donc ne
se ressemblent pas. Les organisateurs sont évidemment ravis alors qu’au passage
le Périscope a sûrement fait quelques nouveaux émules et séduit quelques
personnes puisque nombre de présents ce soir ne s’étaient encore jamais rendus
dans cette salle, pourtant bien agréable et dont la programmation révèle
toujours de bonnes surprises (pour mémoire : Katawumpus y jouera le 30
juin et à la mi-juillet se déroulera le Festival Expérience(s)*).
En attendant que tous ces nouveaux venus se
fassent faire une carte de membre (l’indispensable plaie des lieux associatifs)
j’écoute les échos de plus en plus favorables du tout premier concert qu’Alabaster
a donné une semaine auparavant aux Capucins et je regrette encore plus de
n’avoir pas pu y aller – il faut dire qu’Alabaster a un line-up de premier
choix : deux ex Overmars au chant et à la guitare, un ancien Kiruna à la
basse et un ex Geneva à la batterie, cela fait du beau monde alors vivement le
prochain concert de ces jeunes gens.
La première partie de ce soir est assurée par Blackthread. Il ne fait
pas beaucoup de concert (le précédent remonte déjà à six mois, en première
partie de Tarwater au Sonic), il déclare qu’il déteste monter sur scène, il semble
faire des efforts pour disparaitre dès qu’il y est effectivement mais ce jeune
homme devrait avoir un peu plus confiance en lui. Un peu plus seulement mais
pas trop car la fragilité et les vacillements de Blackthread sont aussi pour
une bonne part dans l’identité de sa musique. Allez mon garçon, on se détend,
on décapsule cette bouteille de bière récalcitrante et on joue.
Blackthread ce sont quelques boucles sensibles et
délicates, un peu de basse très aérienne, un peu de synthétiseur, quelques
effets, une pointe de mélodica ou de percussions électroniques et un chant à la
limite du spoken words mais pourtant très incarné. Et c’est toujours aussi beau
et émouvant. On remarque une certaine ampleur retrouvée – le son au Périscope est toujours très bon – mais qui n’altère pas
le côté fugace, rêveur et sombre que l’on aime tant.
Une demi heure plus tard et c’est déjà fini. Et pas
besoin d’en faire plus. On peut ouvrir les yeux si on les a fermés pendant tout
le concert de Blackthread ou au contraire si on les avait gardés ouverts on peut les fermer
pour faire durer le plaisir un petit peu plus longtemps. On attend aussi cet
hypothétique deuxième album que Blackthread semble désormais décidé à
enregistrer lorsqu’il aura trouvé un label ou un mécène. A bon entendeur…
Comme tout bon groupe de rock instrumental qui se
respecte Microfilm a déployé un sacré
bordel sur scène. Je ne m’amuse pas à compter le nombre de pédales de chaque
guitariste et du bassiste mais le cœur y est. On remarque l’écran pour les
projections vidéo et, plus étonnant encore, les amplis sur les côtés servent
également de mini-écrans. Le tout semble commandé par un laptop placé sur le
devant de la scène et un synthétiseur collé à la batterie complète le tableau. Avec
Microfilm on peut donc espérer avoir du gros son et du bon spectacle.
Quelques bandes annonces sont diffusées en guise
de préambule – La Planète Interdite, classique de
chez classique des séries B de science fiction, le génial L’Homme Qui Rétrécit de Jack Arnold… – et lorsque les quatre
musiciens arrivent enfin et commencent à jouer je comprends instantanément
pourquoi souvent je hais les groupes de post rock ou de rock instru tout
court : une partie du public s’est assise, visiblement très à l’aise comme
à la maison et ces braves gens semblent bien décidés à assister à tout le
concert dans cette position, comme une bande de vieux hippies répugnants ou des
spectateurs lambda assurant leur devoir cultureux de la semaine.
C’était sans compter sur Microfilm et toute l’énergie du groupe. Deux guitaristes aux opposés de la scène qui rivalisent de riffs et d’arpèges et un bassiste un rien poseur (sûrement qu’il a du jouer dans un groupe de hardcore dans une vie antérieure). Après un titre seulement la partie du public qui était assise comprend qu’elle n’a pas d’autre choix que de se lever et surtout de se rapprocher de la scène. On est à un concert, bordel. Pas à la messe. Alors faut que ça vive.
Passé ce moment de frayeur bien compréhensible,
Microfilm s’évertuera et réussira à nous emmener ailleurs. Je dois certes avouer
que les débuts du concert ont été un rien appliqués, scolaires et un peu froids
mais plus le groupe mouillera la chemise – au propre comme au figuré parce
qu’il faisait très chaud dans la salle – plus il fera décoller sa musique et y
mettra ce supplément d’âme nécessaire et suffisant pour faire vibrer les foules.
En fond les extraits d’images de films s’enchainent, les dialogues tirés de ce
mêmes extraits se mélangent donc avec la musique de Microfilm et je n’en
reconnais pas la moitié (ah si quand même, Carnival Of Souls, un film référence à la fois pour Dario
Argento et David Lynch, réédité par Le
Chat Qui Fume) alors que peu à peu mon attention abandonne tout le côté
visuel : la musique vit par elle-même tout en formant un tout avec les
images, que l’on regarde sans regarder.
Car c’est bien à un concert que l’on assiste, ce
sont bien quatre musiciens que l’on regarde et que l’on écoute et c’est bien la
musique qui nous fait touche ainsi. Microfilm aura joué nombre de titres de son
récent AFL 127 mais piochera également dans
ses albums précédents. Evidemment on peut toujours avoir quelques regrets lorsqu’un
groupe n’a pas joué le titre que l’on voulait entendre plus que tous les autres mais
dans le cas de Microfilm cela n’a finalement eu aucune importance – l’important
c’était l’instant présent, l’émotion entière et ce sentiment d’avoir passé un
sacré bon moment.
* au programme et en vrac : Kouma, Pneu,
L’Ocelle Mare, Christine Abdelnour-Sehnaoui en duo avec Ryan Kernoa de Kourgane…
on en reparle bientôt