Sans trop que l’on sache d’abord trop pourquoi, il
y a quelque chose de déroutant dès les premières écoutes de From Beyond Love, le nouvel album de Strings Of Consciousness –
le premier depuis l’album
collaboratif en compagnie d’Angel (Important records, 2009) et surtout le
premier avec des invités au chant et à la voix depuis cette fabuleuse première
tentative que constituait Our Moon Is Full (Central Control
International, 2007). On reconnait le groupe protéiforme, on pourrait même dire
collectiviste, emmené par Philippe Petit, Hervé Vincenti et Perceval Ballone
mais des choses ont changé ou tout du moins attirent l’attention. La forme du
disque déjà. Avec des titres parfois vraiment longs, à tel point que From Beyond Love n’en comporte que cinq.
On peut même diviser l’album en deux parties : tout d'abord les quatre
premières compositions, des compositions qui rappellent l’esprit et la démarche
de Our Moon Is Full c'est-à-dire avec
un invité au chant qui a également écrit le texte qu’il interprète ; la fin du disque est elle entièrement occupée par Hurt Is Where
The Home Is, une longue déambulation de près de 20 minutes. On ne peut
alors que se réjouir que Strings Of Consciousness n’ait pas bêtement copié/collé
toutes ses façons de faire déjà utilisées sur Our Moon Is Full.
Pourtant rentrer dans ce nouvel album reste ardu. Est-ce
la faute de la programmation et du son de la boite-à-rythmes* qui s’essaie à
retrouver des structures propres au jazz, délaissant les structures trop
binaires ? Non. Au contraire, on apprécie ce beau travail sur les rythmes,
encore plus accompli que précédemment. Que reste-t-il donc ? Et bien je
dois avouer que le choix des intervenants extérieurs me touche nettement moins.
Our Moon Is Full n’accueillait que
des belles voix masculines. Même si on retrouve Eugene Robinson sur Hurt Is Where The Home Is, le chant
n’est pas réellement le point fort de From
Beyond Love. Pourtant le casting est une nouvelle fois impressionnant mais
rien n’y fait. Il y a des façons de chanter et des timbres de voix qui ne
passent que difficilement voire même pas du tout.
Il en est ainsi de Julie Christmas (ex Made Out Of
Babies et ex Battle Of Mice) qui apparait dès le premier titre, The Drone From Beyond Love, puis de
Andria Degens** sur Sleepwalker. Cela
fait déjà beaucoup mais Graham Lewis de Wire et Cosey Fanni Tutti (Throbbing
Gristle, Chris & Cosey, etc) leur font suite et là c’est une toute autre
affaire. L’un comme l’autre ont une façon de chanter fragile, faussement
croonesque pour Lewis et presque fébrile pour Fanni Tutti, un chant sur le fil
qui convient bien mieux aux ambiances electro/jazz/expé de Strings Of
Consciousness. Bugged (avec Graham
Lewis) est même le meilleur titre de toute la première partie de From Beyond Love, un titre enfin
réellement émouvant – et rehaussé par la trompette d’Andy Diagram (des
Spaceheads). Une fois que l’on a découvert Bugged
puis Finzione (avec Cosey Fanni
Tutti), on est rassurés sur le nouvel album Strings Of Consciousness et
quelques retours en arrière permettent alors d’apprécier des détails qui nous avaient
échappés sur The Drone From Beyond Love
et Sleepwalker : le violoncelle
d’Alison Chesley aka Helen Money par exemple ou la harpe de Raphaelle Rinaudo.
Reste Hurt
Is Where The Home Is, titre inquiétant avec une Lydia Lunch toujours
impérieuse (et en mode spoken words) et surtout un Eugene Robinson qui lui
répond puis se retrouve tout seul à éructer, comme face à un mur. Hurt Is Where The Home Is est un titre
complexe et claustrophobe mais qui justifie à lui tout seul que l’on s’attarde davantage
sur From Beyond Love. Obscur et
malade (ces petites notes de piano…) Hurt
Is Where The Home Is a en effet tout de la « Murder Ballad » en
mode industriel virant doucement vers le noisy avant de retomber dans un
brouillard ambient et poisseux qui ne vaut guère mieux pour la tranquillité
d’esprit de l’auditeur. On note la présence de Nicolas Dick de Kill The Thrill
à la guitare et on s’émeut de ces sombres atmosphères alors qu’Eugene Robinson,
une fois de plus, explose les détecteurs de frissons charnels. Avec Hurt Is
Where The Home Is en guise de final, From
Beyond Love, certes moins immédiat et plus obtus, gagne une place méritée aux
côtés de Our Moon Is Full.
* je ne plaisante pas : les premières fois
que j’ai écouté cet album, c’était via des mp3 et ces mp3 sonnaient
horriblement à mes oreilles, surtout la boite à rythmes… c’est lorsque From Beyond Love est arrivé en version
physique dans le salon d’écoute dernier cri de 666rpm que ce disque a enfin commencé
à me plaire
** en ce qui me concerne une parfaite inconnue à
ce jour mais depuis je sais qu’elle fait de la musique sous l’alias Pantaleimon et qu’elle a collaboré avec
Dirty Trees ou Current 93