Il y a un peu plus d’un an, lors de la troisième
édition du Fuckfest, Aerôflôt avait récolté un méchant
vent parfumé à la merde, n’arrivant pas à dérider les sphincters rétrécis
et mal embouchés d’un public parisien et breton volontairement et odieusement
partisan. Heureusement pour le groupe bordelais il y a au moins deux personnes
dans le public qui ce soir là avaient aimé la prestation d’Aerôflôt : moi
et – beaucoup plus important – le boss et directeur artistique du label Head
records.
Trois ans après Disco Negro Aerôflôt publie donc Santa Muerte, son deuxième véritable album
et le premier (vous l’aurez compris) sur Head
records, en version CD uniquement mais un CD comme on les
aime c'est-à-dire chouettement emballé dans une pochette entièrement
cartonnée, gatefold et agrémentée d’un bel artwork (signé Skal*). Aerôflôt
sait soigner ses visuels, voilà un groupe d’esthètes qui de ce côté-là n’en
rajoutent pas non plus. Une affirmation certaine de leurs goûts et une façon
assez subtile et discrète de se démarquer et d’afficher leurs différences.
Je ne m’appesantis pas sur l’artwork et la
présentation de Santa Muerte
uniquement pour le plaisir – des disques géniaux avec des artworks moches ça
existe aussi** – mais bien parce que la musique d’AERÔFLÔT est aussi l’une des plus vivifiantes
et originales qu’il m’ait été donné d’écouter ces derniers temps. La formation
du groupe est certes du genre atypique puisque comprenant un
guitariste/chanteur, un joueur de synthé (un Korg je crois) qui chante un peu
aussi, un deuxième joueur de synthé et un batteur (que l’on connait également pour
avoir intégré le line-up de Year Of No Light en tant que second batteur). La
musique d’Aerôflôt pourrait surprendre à cause de la représentation importante
des synthétiseurs or il n’en est rien : tandis que l’un assure sa part
dans les rythmiques en tenant finalement le rôle d’une basse, l’autre assure
les mélodies – jamais écœurantes – ou les trouble-fêtes lorsque c’est plutôt la
guitare qui occupe le premier plan.
Beaucoup plus fort, Aerôflôt se passe de toute
dichotomie guitare/synthés – et les deux instruments finissent pas être non
seulement complémentaires mais surtout parfaitement indissociables. Il n’y a
pas le synthé d’un côté et la guitare de l’autre comme chez de trop nombreux
groupes. L’attitude parfaitement décomplexée par rapport aux synthétiseurs c’est
donc bien chez Aerôflôt qu’on la trouve tant le groupe arrive à jouer une
musique aussi compacte qu’inventive, pensée qu’immédiate. Parce que les compositions
sont l’énorme point fort d’Aerôflôt, des compositions en juste équilibre entre
accroches mélodiques et ruades noise. Vous aurez beau chercher, vous ne trouverez pas non plus ici de quelconques
relents de ce prog 70’s qui infeste actuellement les musiques dites imaginatives
et à la pointe du bon goût ; vous ne trouverez que de multiples références
au post punk, celui qui est né vers la fin des années 70 dans le sillage du
kraut et qui peu de temps après (au début des années 80) s’est malheureusement brutalement cassé les dents sur un mur
de mièvrerie insupportable et racoleuse.
Santa Muerte
est un album beaucoup moins jovial et beaucoup plus sombre que son
prédécesseur. C’est surtout un disque encore plus réussi parce que plus abouti
et si les quatre petits gars d’Aerôflôt tempèrent (très relativement) leurs
ardeurs de jeunes chiens fous, c’est pour mieux nous toucher, nous troubler et
nous émouvoir. Sur Santa Muerte les
hits fracassants tels que Me Siento Mal
et Master ou simplement new wave – on
dirait presque Ian McCulloch qui chante sur God
Is Satan – succèdent aux titres plus aventureux (Dance Of The Dead) mais Aerôflôt est encore meilleur lorsque le
groupe navigue entre clair-obscur et éther – Last Blow et surtout People,
dernier titre en forme d’au-revoir chargé de mélancolie.
[Santa Muerte est dispo
auprès de Head records]
* dont je ne connais rien d’autre et pour qui je
n’ai malheureusement pas trouvé de site internet mais j’aurais bien aimé
** le Counterclockwork
de Xaddax par exemple, quelle pochette dégueulasse…