lundi 21 mai 2012

Report : OK au Périscope - 16/05/2012



Pitoyable. C’est à peu près l’effet que je me suis fait lorsque je me suis retrouvé en voiture de l’autre côté de l’échangeur de Perrache, en direction des quais de Saône, comme si je me rendais à un concert au Sonic. J’aurais mieux fait de prendre mon vélo, moyen de locomotion parfaitement irresponsable puisqu’il permet de penser tout le temps à tout autre chose et certainement pas à l’endroit où on doit se rendre ni à l’itinéraire que l’on est censé emprunter pour y parvenir.
Bon. Demi-tour et rebelote sous l’échangeur de Perrache (une merveille 70’s de conception urbaine et routière), embouteillages, piétons déjà bourrés qui veulent se suicider juste au moment où je passe devant eux, un crochet du coté de la place Carnot – la chose à ne pas faire à Lyon le soir – et enfin arrivée au Périscope.
Il est pas loin de 22 heures et je suis persuadé d’avoir raté quelque chose. Mais non, la salle est presque vide, les organisateurs attendent encore qu’un peu de monde rapplique parce qu’un concert sans public c’est toujours un peu triste. Ce soir cela ne va pas se bousculer au portillon, les gens sont allés s’amuser ailleurs ou sont déjà partis en week-end de quatre jours dans la maison des grands-parents à la campagne. Moi aussi je vais partir à la campagne. Mais plus tard.




Plus tard parce que cela fait trois semaines que je n’ai pas assisté à un seul concert et qu’en plus le groupe qui joue ce soir au Périscope n’est autre que OK, groupe dont le deuxième EP Wet a ensoleillé ce printemps 2012. Pour rien au monde je n’aurais voulu louper ça, d’autant plus que jusqu’ici j’ai toujours joué de malchance avec le trio et raté tous nos précédents rendez-vous.
Il est vrai que le pari parait plutôt risqué : après une diète de trois semaines assister à un concert de pop n’est peut être pas une bonne idée. Neuf fois sur dix les groupes popeux un rien sophistiqués m’ennuient sur scène, même lorsqu’ils m’ont préalablement ravi sur disque. Un certain désarroi face à l’impression d’être confronté à des chanteurs et des musiciens au charisme d’huîtres mais beaucoup trop persuadés qu’ils ont des choses intéressantes à dire. Oui… et alors ? Alors rien ne peut remplacer la spontanéité d’un live et de ce point de vue là celles et ceux qui agissent comme de sages interprètes gentiment scrupuleux me fatiguent. Il n’y a rien de tel que les erreurs surprises en musique. Il n’y a rien de tel que la sueur aussi. Au moins ça sent la vie.




Je récupère à l’entrée de la salle mon ticket gagnant et alors que les trois musiciens d’OK montent enfin sur scène une partie du maigre public en profite pour avancer les fauteuils placés sur les côtés de la salle et quelques uns s’installent confortablement comme dans leur salon. J’avoue qu’à ce moment là j’ai failli tourner les talons et fuir en courant.
La configuration d’OK est vraiment inhabituelle. Au milieu un chanteur/guitariste barbu et à la voix aigue et nasillarde. A droite un batteur (qui jouera une pointe de guitare sur le premier titre) souffrant terriblement du dos et dont la présence n’est due qu’à une absorption généreuse d’anti-inflammatoires, antalgiques et autres décontractants. A gauche un deuxième batteur qui joue également du clavier et de quelques autres instruments/objets bizarres – batteur que je connais déjà, ce n’est autre que le big boss de Carton records et le batteur d’IRèNE, excellent groupe vu il n’y a pas si longtemps que cela au même endroit. Deux batteurs dans un groupe de pop, fut-il un groupe de pop bancale et subtilement décalée ? Vous allez me dire : Hazam Modoff tu te fous de notre gueule !

Mais non, pas du tout.



On aura compris que l’un de ces deux batteurs est davantage rythmique et que l’autre sert plutôt de trublion et de complément mélodique puisqu’il ne fait pas que jouer de la batterie. Cela permet à OK d’élargir sa palette sonore et cette configuration possède deux avantages, avantages qui ressortent encore plus avec l’expérience du concert : premièrement lorsque les deux batteurs jouent en même temps on peut dire que OK envoie du bon gros grain – voilà enfin un groupe de pop qui pulse et sait mouiller sa chemise ; deuxièmement la musique d’OK fourmille de détails, complémentarité fine et jeu de questions/réponses entre les deux batteurs d’un certain côté et multiplications des arrangements de l’autre.
Ainsi encadré, le chanteur/guitariste en chef fait plus que jamais figure de pièce centrale de la mécanique OK. Mais ce qu’il y a de vraiment bien c’est que cette mécanique, huilée et précise, élégante et fine, racée et nerveuse, est réellement une mécanique humaine. Le concert est très dynamique – bien sûr les chansons plus mélancoliques telles que The Right Way virent au poignant mais sans aucune emphase –, un concert servi par un son précis et volumineux, mettant la voix en avant (pop oblige…) et OK se révèle également être un bon groupe de rock dans son acceptation la plus simple qui soit, avec parfois une touche noisy due notamment au son de guitare très convaincant.
Ce concert aura également permis d’éclairer sous un jour nouveau les compositions des deux EPs déjà enregistrés par OK. Plus le concert avançait et plus les hits s’enchainaient, sans discontinuité ni baisse de régime. OK est un groupe qui peut s’enorgueillir d’avoir composé un répertoire de qualité, riche en émotions et en sensations, un répertoire où chaque chanson trouve sa juste place et possède sa propre valeur.




Pitoyable… Pour la seconde fois de la soirée ce mot m’est revenu à l’esprit. Un concert pour happy fews – enthousiastes c’est vrai – c’est peut être très agréable à vivre en tant que public mais honnêtement OK mérite beaucoup mieux. OK mérite un vrai public, des salles remplies, plus d’échos favorables car le trio possède quelque chose de rare que même les mots de classe et de talent ne sauraient résumer. Alors la prochaine fois que les trois garçons d’OK passeront en concert près de chez vous, ne le ratez surtout pas.