Imikuzushi
est le troisième enregistrement du trio Keiji Haino/Jim O'Rourke/Oren Ambarchi
à paraitre chez Black Truffle,
deux ans après le très beau et très introspectif Tima Formosa enregistré lors d’un concert au Japon. Entre les deux a paru en 2010 In A Flash Everything Comes
Together As One There Is No Need For A Subject, un autre live. Sur Tima Formosa
Haino chantait et faisait de la bidouille électronique, O’Rourke ne jouait que
du piano et Oren Ambarchi s’occupait de la guitare. Sur le deuxième enregistrement
la distribution des instruments était toute différente : Keiji Haino au
chant et à la guitare, Jim O’Rourke à la basse et Oren Ambarchi à la batterie.
C’est cette même configuration que l’on retrouve sur le (presque) extraordinaire
Imikuzushi, la configuration du power
trio.
Et c’est ce qui explique le caractère parfois très
violent du disque : Still Unable To
Throw Off That Teaching A Heart Left Abandoned Unable To Get Inside That Empty Space
Nerves Freezing That Unconcealed Sadness…* pourrait même être un
enregistrement pur jus de Fushitsusha tant ce premier titre chaotique est noyé
sous des tonnes de saturation et est joué à un volume sonore défiant toute
concurrence (dans le plus pur style de Keiji Haino). En deuxième position Ready And Waiting Ready And Tired Of Waiting
This Happiness Hovers For A While Opaque…possède également de nombreux
traits de caractère de l’ancien groupe de Keiji Haino mais plus celui de la
période Allegorical Misunderstanding
c’est-à-dire privilégiant la noirceur fantomatique à la violence frontale.
Cela
se gâte un peu avec Invited In
Practically Drawn In By Something Facing The Exit Of This Hiding Place Who Is I
t? That Went In…: plutôt
mollasson et très vaguement kraut ce titre ne commence à décoller que lorsque
le chant de Keiji Haino apparait – la voix, la scansion, la langue employée (le
japonais, comme toujours) – puis lorsque la guitare se lance dans un de ces
solos démentiels dont Haino a le secret. Mais on ne peut tout de même pas
s’empêcher de regretter une certaine complaisance et un certain confort de
l’habitude et on finit également par regretter qu’O’Rourke et surtout Ambarchi soient
aussi sous utilisés et ne servent que de rythmique top de luxe aux délires du guitariste/chanteur
japonais.
An Acute Sensitivity Is Not Simply A
« Madness » An Acute Sensitivity To The Resonance Of « I Love You » Teaches
Us Just A Little Something It’s Not That We can’t Do Something It’s Just That We
Haven’t Done It Yet…
confirme que le trio possède malgré tout toujours de la ressource. Si on
finit par décrocher un peu c’est tout simplement parce que Imikuzushi commence par sembler vraiment très long (plus de 70
minutes) et que l’écouter d’une traite relève presque de l’impossible. Cette
quatrième partie aussi touffue que roborative contient pourtant son lot de très
beaux moments, de guitares déchirantes et de saturation omniprésente tout comme
elle révèle à nouveau le caractère volontairement mystérieux et mystique de
Haino. Définitivement on pense que Imikuzushi
est plus un disque du japonais alors que Tima
Formosa était un vrai travail à trois, finalement beaucoup plus riche et
beaucoup plus subtil. Mais les fans de Keiji Haino s’y retrouveront bien sûr.
* en fait les quatre morceaux de Imikuzushi n’ont pas de titre : ce
sont les paroles d’Haino qui permettent de les désigner sur le livret du disque