jeudi 10 mai 2012

Keij Haino - Jim O'Rourke - Oren Ambarchi / Imikuzushi





Imikuzushi est le troisième enregistrement du trio Keiji Haino/Jim O'Rourke/Oren Ambarchi à paraitre chez Black Truffle, deux ans après le très beau et très introspectif Tima Formosa enregistré lors d’un concert au Japon. Entre les deux a paru en 2010 In A Flash Everything Comes Together As One There Is No Need For A Subject, un autre live. Sur Tima Formosa Haino chantait et faisait de la bidouille électronique, O’Rourke ne jouait que du piano et Oren Ambarchi s’occupait de la guitare. Sur le deuxième enregistrement la distribution des instruments était toute différente : Keiji Haino au chant et à la guitare, Jim O’Rourke à la basse et Oren Ambarchi à la batterie. C’est cette même configuration que l’on retrouve sur le (presque) extraordinaire Imikuzushi, la configuration du power trio.
Et c’est ce qui explique le caractère parfois très violent du disque : Still Unable To Throw Off That Teaching A Heart Left Abandoned Unable To Get Inside That Empty Space Nerves Freezing That Unconcealed Sadness…* pourrait même être un enregistrement pur jus de Fushitsusha tant ce premier titre chaotique est noyé sous des tonnes de saturation et est joué à un volume sonore défiant toute concurrence (dans le plus pur style de Keiji Haino). En deuxième position Ready And Waiting Ready And Tired Of Waiting This Happiness Hovers For A While Opaque…possède également de nombreux traits de caractère de l’ancien groupe de Keiji Haino mais plus celui de la période Allegorical Misunderstanding c’est-à-dire privilégiant la noirceur fantomatique à la violence frontale.
Cela se gâte un peu avec Invited In Practically Drawn In By Something Facing The Exit Of This Hiding Place Who Is I t? That Went In…: plutôt mollasson et très vaguement kraut ce titre ne commence à décoller que lorsque le chant de Keiji Haino apparait – la voix, la scansion, la langue employée (le japonais, comme toujours) – puis lorsque la guitare se lance dans un de ces solos démentiels dont Haino a le secret. Mais on ne peut tout de même pas s’empêcher de regretter une certaine complaisance et un certain confort de l’habitude et on finit également par regretter qu’O’Rourke et surtout Ambarchi soient aussi sous utilisés et ne servent que de rythmique top de luxe aux délires du guitariste/chanteur japonais.
An Acute Sensitivity Is Not Simply A « Madness » An Acute Sensitivity To The Resonance Of « I Love You » Teaches Us Just A Little Something It’s Not That We can’t Do Something It’s Just That We Haven’t Done It Yet… confirme que le trio possède malgré tout toujours de la ressource. Si on finit par décrocher un peu c’est tout simplement parce que Imikuzushi commence par sembler vraiment très long (plus de 70 minutes) et que l’écouter d’une traite relève presque de l’impossible. Cette quatrième partie aussi touffue que roborative contient pourtant son lot de très beaux moments, de guitares déchirantes et de saturation omniprésente tout comme elle révèle à nouveau le caractère volontairement mystérieux et mystique de Haino. Définitivement on pense que Imikuzushi est plus un disque du japonais alors que Tima Formosa était un vrai travail à trois, finalement beaucoup plus riche et beaucoup plus subtil. Mais les fans de Keiji Haino s’y retrouveront bien sûr.

* en fait les quatre morceaux de Imikuzushi n’ont pas de titre : ce sont les paroles d’Haino qui permettent de les désigner sur le livret du disque