vendredi 9 septembre 2011

Ed Wood Jr / Silence






Après un premier album très remarqué et apprécié – Ruban De Möbius – puis un EP tout aussi réussi – Feats –, les deux Ed Wood Jr sont de retour avec un deuxième long format intitulé Silence, un album qui n’a pas tardé à truster le haut de nos playlists pourtant aussi encombrées que tentaculaires. Swarm records et A Tant Rêver Du Roi sont les deux heureux labels permettant la parution de ce disque, d’abord en CD (le 26 octobre 2011 pour être très précis) puis en vinyle (début 2012 si tout va bien, on espère sincèrement que, contrairement à Ruban De Möbius pour lequel la sortie en LP a purement et simplement été annulée faute de moyens financiers, cela ne se reproduira pas pour Silence).
Pour ce nouvel album Ed Wood Jr a beaucoup travaillé et cela s’entend tout de suite. Le groupe a surtout mis à cœur de cultiver ses différences, se démarquant toujours plus du courant math rock/rock instru qui a fait beaucoup de ravages ces dix (quinze ?) dernières années auprès des jeunes gens à lunettes trop désireux d’avoir l’air plus intelligent que les autres. La solution n’était pourtant pas si compliquée, mais encore fallait-il avoir les moyens de la trouver ou de la deviner, et Ed Wood Jr a toujours compris, senti, qu’il n’aurait servi à rien de se contenter de poser sur la table de la cuisine les équations mathématiques les plus compliquées possibles pour parvenir à ses fins.
Ainsi Ruban De Möbius se démarquait déjà par un petit côté noise et même presque hard core qui à l’occasion illuminait la musique d’Ed Wood Jr d’un sens de l’humain et de l’épidermique qui ne faisait aucun doute sur la présence d’une vie riche et intense sous les couches de boucles de guitare, breaks volumétriques et autres arpèges célestes. Ed Wood Jr a conservé tout cela pour Silence, cette dynamique qui vous arrache du sol en une fraction de seconde, ce côté organique et musculaire qui fleure bon la transpiration – merci d’avoir pensé à ces quelques touches de double pédale ainsi qu’aux roulements de toms – mais le groupe est aussi allé dans l’autre sens, parfaitement opposé, mais donc non contradictoire, d’une sophistication toujours plus poussée. Celle-ci est principalement l’apanage de synthétiseurs qui prennent littéralement d’assaut la musique d’Ed Wood Jr au point d’en devenir une composante essentielle et incontournable.
Mais, on l’a déjà dit, Ed Wood Jr reste un groupe à forte valeur énergétique et l’équilibre atteint entre puissance et finesse fait des merveilles plusieurs fois sur Silence. L’album regorge ainsi de tubes tous plus accrocheurs les uns que les autres (Minitel, Babtrip, IVCV, Walkwoman) bien que souvent les structures des compositions ne soient guère évidentes ou que l’atmosphère puisse y être sombre et chargée (Oktobre en étant la plus flagrante illustration et pouvant de ce fait postuler pour le titre de la plus belle réussite de l’album).
Avec Silence Ed Wood Jr nous offre un bien beau moment de musique, avec toute l’application discrète mais surtout toute la conviction dont on sentait le groupe déjà capable. On espère que ces deux jeunes gens ne se tairont pas de sitôt, malgré le titre assez énigmatique de leur disque… ou alors est-ce parce que la musique qu’il contient est aussi étonnamment contrastée et irrésistiblement enveloppante qu’un faux silence nocturne ?