mercredi 14 septembre 2011

Dead Elephant / Thanatology






Pour son nouvel album Thanatology, Dead Elephant n’a pas choisi la voie de la facilité, bien que cette voie là ait déjà été largement empruntée et se retrouve de nos jours complètement encombrée par toute une cohorte affamée de groupes de copieurs et de suiveurs sans mérite. Les italiens ont ainsi beaucoup ralenti le rythme, encore alourdi les atmosphères et insufflé une dose dangereuse de « psychédélisme » dans leur musique. Ils disent aimer les Melvins ? Il y a de ça. Ils affirment être fans de kraut ? Cela s’entend également, mais pas trop non plus. Ils prétendent jouer de la noise ? Aussi. Thanatology est du genre monstrueux, avec autant de têtes qu’il en faut pour vous bouffer tout cru, des ergots venimeux pour charcler votre chair jusqu'au sang et une peau aux reflets sombres et durs pour se sentir invulnérable.
Les amateurs du précédent album du groupe, l’excellent Lowest Shered Descent – publié entre autres par Gaffer records en 2008 – auront peut être du mal à faire la transition avec son successeur, quoique Lowest Shered Descent comportait déjà son lot d’expérimentations inquiétantes. Or Dead Elephant a mis à cœur sur Thanatology de brouiller les pistes, de varier les ambiances et surtout de ne pas se précipiter. Le disque ne comporte que quatre titres (et demi) s’étalant volontiers au-delà des dix minutes. Seul l’exubérant Destrudo, courte salve de quatre minutes d’un noise metal carabiné et frontalement agressif, rappelle le Dead Elephant de Lowest Shered Descent. Si on voulait caricaturer on parlerait alors d’Unsane reprenant du Black Sabbath avec un soupçon d’aromates made in Chicago pour assaisonner le tout – sans oublier les bonnes grosses lignes de basse noise comme on les apprécie particulièrement. Seulement des titres comme Destrudo, plus rapide et énervé, il n’y en a donc qu’un sur Thanatology mais il trouve de nombreux échos alourdis et malades sur toutes les autres compositions du disque.
Par contre celles-ci ont tendance à constamment noyer le poisson, à prendre des chemins de traverses en lestant le fardeau ou en ralentissant le rythme  sans – et c’est une très bonne nouvelle – choisir les facilités des montées en puissance petit braquet et des ascensions par la face mord-moi-le-nœud typiques des sombres groupes post hard core des années 2000. Non, Dead Elephant ne veut pas de tout ça, tranche dans le vif, passe par une musiquette presque cinématographique (on apprécie l’hommage à David Lynch sur A Teardrop On Your Grave bien que ce soit avant tout l’arrangement d’une marche funéraire composée à la fin du 19ème siècle) puis copule à la fois avec les proies et les prédateurs. Comprendre par là que les transitions sont abruptes mais jamais inopérantes, les constructions des morceaux gardent ce supplément de mauvaise haleine qui coupe le souffle, entre horreur et fascination.
Beaucoup moins bordéliques que leurs collègues de label Hey Colossus mais aussi beaucoup plus lyriques, les italiens de Dead Elephant rappellent parfois le meilleur d’un Neurosis qui aurait retroqué ses cheeseburgers contre de la drogue. On A stem est ainsi assez typique de l’optique du groupe, débutant pas le sample d’une autre marche funèbre (décidemment) pleureuse mais un rien clownesque et composée en 1937 par Luigi Rizzola, pour ensuite déboucher sur un déluge de metal torturé via un passage ambiant limite vaporeux. Les passages lourds de Thanatology sont, à l’image de On A Stem, traumatisants à souhait. Les passages atmosphériques ou bidouillés ne ressemblent pas à des bouche-trous. L’ensemble est cohérent, passionnant et fiévreux. Il va falloir compter avec Dead Elephant car Thanatology est le digne reflet d’un très bon groupe.

Thanatology a été publié en CD par les labels italiens Shove records et Sangue Dischi mais surtout en vinyle (rouge et, qui plus est, comportant le CD en sus) par l’anglais Riot Season qui confirme ainsi l’éminence de la qualité de son catalogue (Acid Mothers Temple, Aluk Todolo, Hey Colossus, Mainliner, Shit And Shine, Todd…).